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ces œuvres sont également très nombreuses, nous ne pouvons citer ici que les plus importantes[1]. Mentionnons d’abord la Forêt du Louvre, cette composition d’une si belle ordonnance, dans laquelle au milieu d’un massif de grands arbres qui bordent un étang une percée, pratiquée parmi les hêtres et les chênes, laisse apercevoir des coteaux bleuâtres. L’ampleur de l’exécution est ici proportionnée aux dimensions du tableau. Les intonations ont aussi plus d’éclat que d’habitude, et le bleu franc du ciel s’accorde harmonieusement avec les feuillages dorés par l’automne. Malheureusement les personnages que Berchem a introduits au premier plan — un paysan italien rougeaud qui, la main sur son cœur déclare ses feux à une bergère rebondie juchée sur un âne, — semblent ici d’autant plus déplacés que la brutalité de la touche et la crudité intempérante des rouges font ressortir encore le peu d’à-propos de cet épisode. Supprimez-le par la pensée, pour ne laisser que les vaches buvant au bord de l’eau ; ou, mieux encore, supposez une solitude absolue dans ce paysage, et il reprendra aussitôt, avec sa gravité, sa vraie signification. La Chasse, de Dresde, ne tire pas non plus une grande valeur des personnages et des animaux que Van de Velde y a peints et qui ont donné son nom au tableau Mais par la douceur de l’aspect et la largeur de la facture, la Chasse se distingue des autres ouvrages de Ruysdael réunis au musée de Dresde, qui, tout remarquables qu’ils sont, nous paraissent en général, avoir beaucoup noirci. La découpure des silhouettes et la sombre intensité des verdures vont même, pour plusieurs d’entre eux, jusqu’à la dureté, et ce défaut, que probablement il convient d’imputer à leur mauvaise conservation plutôt qu’au peintre lui-même, est encore exagéré par le luisant des glaces dont ils sont recouverts. Malgré tout, au musée même de Dresde, nous préférons, du moins pour l’originalité du motif, un paysage de dimensions bien plus restreintes, que Ruysdael a également reproduit dans une de ses meilleures eaux-fortes. Comme en un sombre miroir l’eau de cet Etang dans les bois reflète avec une exactitude absolue les vieux chênes qui, déjà découronnés par les injures du temps, tordent leurs ramures ou allongent leurs grands bras en quête d’un peu d’air et de nourriture. L’Entrée de forêt, du Belvédère, à Vienne, dont le musée de Rotterdam possède une répétition moins imposante, doit être également citée pour la beauté sévère de la composition. L’aspect grandiose de cette forêt, dans laquelle s’engage un chemin traversé par un ruisseau, recommande à notre

  1. On compte, en effet, parmi les paysages de cette catégorie, des tableaux appartenant à M. Six, au comte Ellesmere, à sir Richard Wallace, deux à lord Overstone, d’autres à la National-Gallery et aux musées de Bruxelles, de Dresde, de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg.