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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/869

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par quelques touches d’aquarelle ses dessins exécutés sur place. On a pu voir, en effet, à l’exposition de 1879, à l’École des Beaux-Arts, deux de ces études (appartenant l’une au duc d’Aumale, l’autre à M. Dumesnil) travaillées minutieusement comme dessins et simplement lavées par-dessus de teintes légères et transparentes. Mais là se bornent ses tentatives en ce genre. Est-ce à cette absence d’études peintes qu’il faut attribuer le parti-pris évident qu’on observe dans les colorations des paysages du maître ? Il serait difficile de le dire ; cependant il convient de remarquer ici que, d’une manière générale, les verts si variés et si riches des prairies et des arbres, dans les contrées du Nord, verts qui avaient été reproduits avec tant de vérité et d’éclat par les Van Eyck et leurs successeurs immédiats, ne se rencontrent presque jamais plus après eux chez les peintres flamands ou hollandais. A peine en pourrait-on retrouver la trace, fort atténuée, dans quelques rares paysages d’Adrien Van de Velde, notamment dans une Chasse où il a su rendre les végétations tendres et fraîches de la forêt au printemps, et dans plusieurs tableaux de Paul Potter, qui ont pris avec le temps un aspect bleuâtre. Soit faute des couleurs nécessaires, soit plutôt en raison de la difficulté reconnue de manier des tons qui deviennent aisément durs et criards, la plupart des paysagistes, sans vouloir imiter les colorations réelles de la végétation, en remplacent systématiquement les verts par des tons roux ou jaunâtres qu’ils opposent aux tons bleus des lointains. C’est également le parti que devait adopter Ruysdael, et l’on est frappé du contraste qu’on relève chez lui entre la vérité absolue du dessin ou des valeurs et ces colorations toujours fort arbitraires. Seulement, dans cette gamme de bruns ou il se maintient, il obtient des harmonies moins sommaires, moins monotones que celles dont s’étaient contentés ses devanciers. Avec la simplicité d’aspect qui distingue les paysages de Van Goyen, les siens ont une couleur plus plèbe et plus riche. Il aime par-dessus tout d’ailleurs ces temps gris, clairs ou sombres, qui laissent aux formes comme aux valeurs normales toute leur netteté. Ni les grâces fugitives du printemps, ni les magnificences empourprées de l’automne, ni les splendeurs du soleil à son déclin, ni les vapeurs matinales de la campagne, ni ces brouillards lumineux qui flottent au-dessus des grands fleuves dans les ciels hollandais, ne l’ont tenté. Parfois, il est vrai, comme dans un petit paysage de M. Rothan, — dans eaux du Ryks-Museum et de M. Six, à Amsterdam, ou dans ceux du comte de Lespine et du duc d’Aremberg, à Bruxelles, de la Pinacothèque et du musée de Douai (où il est catalogué Molenaer), — il nous montre l’hiver avec toutes ses tristesses : des arbres dépouillés, des roseaux jaunis qui grelottent sur les rives d’un canal glacé, ou bien les abords d’un pauvre village couverts d’une neige sale et détrempée, et quelques