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bois pour faire elle-même la provision de verges destinées à ses propres besoins. Une fois que cette provision était faite, la troupe, dans un joyeux tumulte, s’ébattait dans la verdure, se paraît de couronnes printanières, se livrait à toute sorte de jeux et d’exercices gymnastiques ; ensuite, les écoliers étaient régalés par les maîtres et les parens. Chargés de l’instrument de leur supplice, ils rentraient le soir dans la ville, parmi les chants et les rires. Une chanson, composée pour cette circonstance, nous a été conservée :


:Vous, nos pères, vous, nos bonnes petites mères,
:Regardez, voici que nous rentrons
:Charges de bois de bouleau…


Les universités, « filles bien-aimées et privilégiées de l’église, » couronnaient l’ensemble des institutions destinées à répandre dans toutes les classes l’enseignement à tous ses degrés. Des legs, des donations pieuses rendaient ces foyers d’études savantes accessibles même aux plus pauvres. Là encore M. Janssen contredit l’opinion commune, qui fait dater de la réforme la prospérité et l’éclat d’enseignement des universités allemandes. En cela, comme en tout le reste, la réforme, selon lui, exercera une action néfaste ; d’associations se gouvernant librement, elle fera descendre les universités au rang de simples établissemens de l’état. M. Janssen applique parfois à cette histoire reculée le langage et les mots d’ordre de la politique contemporaine, ce qui forme un anachronisme. Il vante la liberté d’enseigner qui régnait dans les universités au XVe siècle, époque de stricte, d’universelle orthodoxie. Mais il constate[1] « que les sciences devaient être mises au service de la vérité, dans le sanctuaire de la foi, » en d’autres termes, qu’elles étaient les humbles servantes de la théologie. Il faut donc entendre cette « liberté d’enseigner » au sens où l’emploient, dans les assemblées, les orateurs catholiques, de liberté du vrai, de liberté du bien.

L’Allemagne possédait alors une élite d’hommes éminens, savans, pieux pour la plupart, à la tête des universités, ou réunis dans les villes qui faisaient l’admiration des voyageurs venus de toutes les parties de l’Europe ; à Heidelberg, Jean Reuchlin, qui ouvre une voie nouvelle à l’enseignement de l’hébreu, l’abbé Jean Trithème, le plus grand historien de son siècle ; à Strasbourg, Geiler de Kaisersberg, l’éloquent prédicateur de la cathédrale, et le cercle de ses amis, Wimpheling et le poète Sébastien Brant, l’auteur

  1. vol. Ier, p. 70.