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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.

Il faut bien se décider ou se résigner à voir les choses comme elles sont, sans illusion et sans vaine faiblesse. La vérité évidente et criante, c’est que tout va plus que jamais à la diable dans nos malheureuses affaires de France. S’il y a eu un jour, comme le disait M. Gambetta, où l’ère des périls semblait passée, et où l’on croyait n’avoir plus à se mesurer qu’avec de simples difficultés, nous voici revenus des difficultés aux périls, à moins qu’on ne préfère dire que périls et difficultés vont toujours ensemble. Nous entrons de plus en plus dans une ère indéfinissable, presque fantastique, une sorte de nuit de Walpurgis toute peuplée de chimères baroques et de fantômes, de visions anarchiques et d’apparitions césariennes. Nous avançons à grands pas dans cette voie où tout est confondu, obscurci, où il n’y a plus ni règles publiques ni freins moraux pour contenir l’arbitraire universel, et où les changemens de ministère ne sont eux-mêmes que des étapes dans le gâchis. La vérité est qu’on ne sait plus où l’on va, parce que, depuis longtemps, au lieu d’assurer la stabilité des institutions et des lois, au lieu de songer aux affaires du pays, on n’est occupé qu’à tout ébranler et à tout fausser, si bien que le jour où surgit un danger réel, sérieux, il n’y a plus qu’un gouvernement de hasard, né de la mêlée confuse des partis, sans point d’appui dans le parlement ni dans l’opinion.

Que signifie, en effet, dans ces conditions, le ministère qui est sorti l’autre jour d’une échauffourée du parlement, qui s’est formé sous le nom et sous la présidence de M. Floquet, à la place du cabinet de M. Tirard ? Tout est vraiment assez bizarre dans cette aventure, et l’origine du nouveau ministère, et la manière dont il est composé, et le programme qu’il s’est donné. Il a cette originalité d’être né d’un vote de hasard, et de ne répondre à rien, ni à la réalité parlementaire, ni