aussi le luxe d’une cour, l’opulence d’un petit nombre insultant à la pauvreté de tous ; inconnues, ces grandes fortunes héréditaires, apanages d’une aristocratie dominatrice et exclusive. Mais en peu d’années tout change. Brusquement on se trouve en présence d’un état de choses nouveau, d’une lutte pour l’existence aussi âpre qu’en Europe, d’un peuple d’ouvriers dont la vie précaire oscille entre lu grève volontaire et le chômage imposé, d’une oligarchie disposant d’énormes capitaux en face d’organisations ouvrières comptant leurs adhérens par centaines de mille. D’un côté, l’argent ; de l’autre, le nombre ; partout la lutte.
Du premier coup, dans cette voie nouvelle, les États-Unis ont dépassé l’Europe. Chez eux, semble-t-il, tout prend des proportions démesurées ; la vie, plus intense, aboutit à des manifestations plus puissantes ; l’effort, plus vigoureux, à des résultats plus grands. Aussi les voyons-nous, dans cette course aux millions, dépasser en quelques années la riche Angleterre, conquérir les premiers rangs au livre d’or des millionnaires, et parer leurs opulentes héritières des plus nobles titres de la vieille aristocratie européenne.
Si chez eux les fortunes sont plus gigantesques, elles sont encore, et pour le moment, moins nombreuses qu’en Angleterre. L’étude comparative des grandes fortunes britanniques nous montrera toutefois que, dans le Royaume-Uni comme en Amérique, la plupart des millionnaires se recrutent parmi les classes moyennes. Les Astor et les Stewart, les Belmont, les Westmore et les Lorillard de New-York, les Munn de Chicago, les Lyman et les Perkins de Boston, ne sont pas les seuls représentans de la démocratie millionnaire. En Angleterre aussi, la classe moyenne, et même ouvrière, voit nombre des siens s’élever aux premiers rangs. L’exemple de sir Robert Peel, parlant de rien pour conquérir, avec une grande fortune, la situation la plus élevée à laquelle un homme puisse aspirer dans son pays, a eu des imitateurs, et si son génie politique eut peu d’égaux, bien d’autres on su l’égaler et le devancer dans le domaine du commerce et de l’industrie. Les Budgett de Bristol, les Brassey et les Ryland de Manchester, les Young et les Napier de Glasgow, les Moore, les Cowen, les Guy de Londres, tous sortis des rangs du peuple, ont aujourd’hui des successeurs plus riches qu’eux, dont l’opulence démocratique peut lutter avec celle de la plus puissante aristocratie du monde.
George Peabody, aussi connu comme millionnaire que célèbre comme philanthrope, s’adressant un jour à un nombreux auditoire de jeunes écoliers américains, leur disait, emporté par la chaleur de son allocution, que chacun d’eux pouvait, s’il le voulait, devenir aussi riche que lui. Or, il venait de remettre 2 millions 1/2 à la