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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/199

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prendre que par leurs meilleurs côtés. Par exemple, il savait ce que valaient les édits de paix, il avait constaté que tous amenaient un redoublement de calamités après peu de temps, mais l’expérience ne l’empêchait pas de s’en estimer content à chaque fois : « Je loue Dieu de nous envoyer du repos. J’aime mieux une fièvre intermittente que continue ; et, quant à moi, je prierai toujours Dieu avec l’église qu’il lui plaise nous donner la paix in dicbus nostris. Nos enfans prieront pour eux en leur saison. » Nous tenons à représenter le bonhomme tel qu’il fut. Ce n’est pas un mot pendable, mais il n’avait qu’à ne pas le dire s’il ne voulait pas qu’il fût redit.

Il considérait, il l’a dit maintes fois, la vie comme un voyage qu’un chacun devait tâcher de faire au mieux, s’accommodant en vue de sa tranquillité, tournant les obstacles, se riant des petites traverses, cueillant les fleurs à portée de main. Rien ne l’entretenait mieux en belle humeur que les chansons que, chemin faisant, il se chantait : à savoir les poésies latines et françaises qu’il composa toute sa vie, soit au lit, soit à table, soit dans la rue, soit au palais. Il en ciselait un peu sur tous les sujets, avec calme, se gardant bien d’y jamais engager son cœur, car c’étaient des récréations d’esprit qu’il lui fallait. Ainsi naquirent tranquillement, en pleine paix morale, ses Jeux poétiques, ses Épigrammes, sa Pastorale du vieillard amoureux, ses Poésies diverses, selon la diversité des temps, ses Épitaphes, etc. Il chantait tantôt la gloire et tantôt l’amour avec leurs joies et leurs revers, et toujours afin seulement de se distraire. Il laissait « au grand Pétrarque pour clôture de ses amours un long repentir, et au pauvre Tasso une fureur d’esprit pour s’être obstinément aheurté à l’amour d’une grande princesse; » lui, voulait qu’on sût bien qu’il n’était point leur compagnon de mélancolie : «En mes heures de relâche, je me joue de l’amour, non lui de moi.»

Jeune encore, il prit plaisir à décrire en de longs chapelets de sonnets la carrière d’un homme tour à tour agité d’ambitions furieuses et d’ardentes amours ; et partout il a dit je. Voici d’abord, peinte dans la manière des Italiens, la première passion de l’adolescent entrant dans la vie :


C’était le jour qu’à la Vierge sacrée
Chacun, suivant des prêtres le guidon,
Faisait dévot d’un cierge ardent un don,
Lorsqu’elle fit au temple son entrée.

C’était le jour que je vis mon Astrée,
Astrée non, mais mère à Cupidon,
Portant un cierge, ainçois un grand brandon,
Dont à l’instant mon âme fut outrée.