Quant au roi Kansa, plein d’épouvante, il fuyait sur son char chassé par la tempête, et ses chevaux se cabraient comme fouettés par mille démons.
V. — LA DOCTRINE DES INITIÉS.
Krishna fut salué par les anachorètes comme le successeur attendu et prédestiné de Vasichta. On célébra le srada ou cérémonie funèbre du saint vieillard dans la forêt sacrée, et le fils de Dévaki reçut le bâton à sept nœuds, signe du commandement, après avoir accompli le sacrifice du feu en présence des plus anciens anachorètes, de ceux qui savent par cœur les trois Védas. Ensuite Krishna se retira au mont Mérou pour y méditer sa doctrine et la voie du salut pour les hommes. Ses méditations et ses austérités durèrent sept ans. Alors il sentit qu’il avait dompté sa nature terrestre par sa nature divine, et qu’il s’était suffisamment identifié avec le soleil de Mahadéva pour mériter le nom de fils de Dieu. Alors seulement il appela auprès de lui les anachorètes, les jeunes et les anciens, pour leur révéler sa doctrine. Ils trouvèrent Krishna purifié et grandi ; le héros s’était transformé en saint ; il n’avait pas perdu la force des lions, mais il avait gagné la douceur des colombes. Parmi ceux qui accoururent les premiers se trouvait Ardjouna, un descendant des rois solaires, l’un des Pandavas détrônés par les Kouravas ou rois lunaires. Le jeune Ardjouna était plein de feu, mais prompt à se décourager et à tomber dans le doute. Il s’attacha passionnément à Krishna.
Assis sous les cèdres du mont Mérou, en face de l’Himavat, Krishna commença à parler à ses disciples des vérités inaccessibles aux hommes qui vivent dans l’esclavage des sens. Il leur enseigna la doctrine de l’âme immortelle, de ses renaissances et de son union mystique avec Dieu. Le corps, disait-il, enveloppe de l’âme qui y fait sa demeure, est une chose finie ; mais l’âme qui l’habite est invisible, impondérable, incorruptible, éternelle[1]. L’homme terrestre est triple comme la divinité qu’il reflète : intelligence, âme et corps. Si l’âme s’unit à l’intelligence, elle atteint Satwva, la sagesse et la paix ; si elle demeure incertaine entre l’intelligence et le corps, elle est dominée par Raja, la passion, et tourne d’objet en objet dans un cercle fatal ; si elle s’abandonne au corps, elle tombe dans Tama, la déraison, l’ignorance et la mort temporaire. Voilà ce que chaque homme peut observer en lui-même et autour de lui[2].