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qu’il y aura des hommes instruits pour tenir en honneur toutes les manifestations de la pensée, il sera utile, nécessaire, indispensable, qu’on s’occupe en certains milieux des diverses opinions philosophiques et de l’influence des métaphysiciens d’autrefois; seulement, ce n’est point au lycée qu’il est bon d’en traiter, mais dans quelques chaires du haut enseignement. L’amphithéâtre de la Sorbonne semble encore garder l’écho d’étonnantes dissertations sur des sujets en dehors des réalités de ce monde, où se sont donné carrière de vaillans esprits. On n’a point perdu le souvenir des heures où un maître plein d’art, transportant une nombreuse assemblée dans un pur idéal, la charmait par la finesse des aperçus, l’émerveillait par l’élévation des idées, l’enthousiasmait par d’éloquentes paroles. Il ne faudrait pas croire que la plupart des leçons infligées aux collégiens ravissent également l’auditoire. D’ailleurs, plus ou moins réussies, des dissertations sur des écrits capables de faire méconnaître à la jeunesse des vérités aujourd’hui pleinement démontrées ne peuvent avoir qu’une influence funeste. Invoquera-t-on la grande figure de Descartes; celui-ci n’est pas un philosophe ordinaire : il est un savant. En dehors de la foi religieuse, il n’aspire qu’à la connaissance de la nature ; il ne voudrait raisonner qu’en s’appuyant de l’observation et de l’expérience; il met en relief toute la valeur des comparaisons. Des pages du Discours sur la méthode, dictées par la plus haute raison, et entraînantes par l’allure superbe, pourront sans doute être toujours proposées en modèle. Dans les années où les élèves doivent se familiariser avec les chefs-d’œuvre de la littérature française. Descartes trouve sa place parmi les penseurs comme parmi les écrivains. N’allons pas plus loin, car on ne parvient guère à comprendre les réflexions du grand philosophe sans avoir la notion précise du misérable état de la science à son époque. De nos jours, Descartes formulerait d’autres réflexions sur les sujets qui l’occupèrent autrefois. On ne saurait mettre trop d’attention à éviter aux écoliers la lecture du chapitre consacré à la physiologie. En diverses rencontres, le philosophe, revenant sur les. caractères de la certitude, laisse apparaître une indécision peu propre à satisfaire l’esprit, mais fort explicable par la difficulté d’une application sur des objets rigoureusement déterminés ; il déclare néanmoins prendre pour règle générale « que les choses que nous concevons fort clairement, fort distinctement, sont toutes vraies. » Longtemps des hommes éclairés prétendirent à la conception très nette du monde de l’Olympe, ou de certains êtres depuis réputés fabuleux, et pourtant plus tard cette conception ne fut plus qu’une chimère.

Au programme des études classiques, Malebranche a une place d’honneur avec son principal ouvrage, la Recherche de la vérité.