Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours après, entraîné dans la rue : ses yeux sont arrachés, sa langue coupée.

Ces exécutions terminées, un concile se réunit. Constantin y apparaît sans ses yeux : extra oculos, comme dit le Liber pontificalis. Il est condamné à la pénitence, et sort de la salle après que les pères, l’un après l’autre, l’ont souffleté. Les actes de ce pseudo-pontife sont brûlés. Le pape, les prêtres, le peuple, se prosternent et demandent pardon à Dieu du sacrilège qu’ils ont commis en recevant la communion des mains de ce misérable. Ils chantent le « Seigneur, ayez pitié! »

Ainsi Rome a été souillée par des crimes, le saint-siège envahi par un aventurier. Depuis que le pape est devenu prince temporel, la papauté tente les barons du voisinage, qui ressemblent fort à des brigands. Dans la ville, aucune autorité reconnue; des bandes d’écorcheurs font, comme il leur plaît, office de juges et d’exécuteurs. Quel piédestal pour le successeur de Pierre! Le pape avait vraiment besoin de s’appuyer sur « le très fort bras du roi des Francs. »

Comme ses prédécesseurs, Etienne III s’adresse à la nation sainte. Appels et supplications se succédant : ils ne sont pas d’abord entendus. A Pépin ont succédé ses deux fils, Charlemagne et Carloman. Le pape les considère l’un et l’autre comme liés par « la promesse d’amour » que leur père a faite à l’apôtre, mais le démon se met entre les deux frères pour les diviser. Quand ils se réconcilient une première fois, le pape les remercie : « Dans le ciel. Dieu et les anges se réjouissent, pendant que, sur terre, exulte le peuple chrétien. » Hélas ! voici qu’une étrange nouvelle est apportée à Rome. Il y avait toujours chez les Francs un parti qui préférait l’alliance des Lombards à celle de saint Pierre, et qui parut l’emporter à la mort de Pépin. Des mariages se préparent, qui uniront étroitement les familles royales des Francs et des Lombards. À ce coup nouveau de « l’antique ennemi, » — Car le diable seul pouvait avoir inventé cette combinaison, — le pape écrit aux rois et au peuple des Francs. Il supplie la nation qui brille entre toutes, et cette race royale « ruisselante de splendeur, » de ne point se polluer au contact « d’une gent perfide et fétide, de laquelle est très certainement issue l’espèce des lépreux. » Avant d’envoyer cette lettre, il la porte à l’autel de saint Pierre et communie dessus. Pourtant Charlemagne épouse Désirée, la fille de Didier. La tradition inaugurée par Pépin est donc interrompue. L’histoire du monde allait-elle suivre un autre cours? Le pacte d’amour allait-il être dénoncé? Le pape à cette date se tourne vers l’empereur et lui demande un service qui était une sorte de reconnaissance de sa souveraineté. Mais deux