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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/384

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ennemis du pape semblent avoir l’oreille du roi. Celui-ci, pour punir un légat pontifical de « certaines paroles intolérables, » le retient auprès de lui, « ce qui ne s’est jamais vu depuis que le monde est monde. » En 776, Charles descend en Italie pour châtier une révolte du duc de Frioul : il repasse les Alpes sans avoir paru à Rome. Deux ans après, il promet d’aller célébrer les fêtes de Pâques au seuil des apôtres et d’y faire baptiser son fils Pépin. Le pape l’attend, « comme la terre altérée attend la pluie. » Il l’attendra trois ans encore. En 781 seulement, il goûta la joie tant désirée de revoir le « très éminent visage » de Charlemagne. Sept années s’étaient écoulées depuis l’entretien face à face auprès du tombeau. Hadrien s’était résigné. Il réclamait non plus des provinces entières, mais les patrimoines que l’église tenait de la libéralité « d’empereurs, de patrices et d’autres personnes craignant Dieu. » Il était devenu plus modeste ; il protestait qu’il n’avait point de cupidité. Lorsqu’il produisait des prétentions, il faisait remarquer qu’elles n’étaient pas « déraisonnables, » et il apportait les preuves à l’appui. Charlemagne examinait et décidait avec bienveillance.

Pour comprendre quel malentendu avait été dissipé, il faut essayer de retrouver l’état d’esprit d’Hadrien et dire la grande illusion où il s’était égaré. Hadrien est le premier des papes qui ait agi et parlé en souverain temporel. Il dit nostra Romanorum respublica, mon état romain. Dans ses actes, il laisse tomber la date du règne des empereurs, que ses prédécesseurs avaient conservée. Il écrit encore à Constantinople, et pour les affaires de l’église, il parle à ces maîtres d’autrefois de ses nouvelles alliances sans embarras. Lorsque Constantin et Irène lui annoncent l’intention de restaurer le culte des images, il les félicite, mais leur propose pour modèle son fils et compère le seigneur Charles, qui « obéit à tous les ordres du pape et accomplit toutes ses volontés. » Il ne craint pas de rappeler que le roi des Francs a donné au bienheureux Pierre « les cités, châteaux et territoires que détenait la gent perfide des Lombards. » Ses prédécesseurs auraient exulté à la nouvelle que l’hérésie des iconoclastes était enfin vaincue; ils auraient remercié Dieu de leur réconciliation avec l’empereur. Hadrien ne veut pas se réconcilier. Un moment, il se trouve d’accord sur la question des images avec l’empereur contre Charlemagne; il cherche de nouvelles querelles aux Byzantins : si l’empereur ne restitue pas à l’église de Rome les cités et patrimoines qu’elle réclame, il le tiendra « pour hérétique. » Le pape ne veut pas retourner vers le passé : il cherche des voies nouvelles.

Il a le langage d’un roi. Il défend à Didier, qui avait annoncé son intention de venir à Saint-Pierre, « de franchir sans son congé