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dans neuf villes du royaume. L’Italie a suivi le mouvement. A Milan, en particulier, on trouve des maisons ouvrières très bien comprises. L’Espagne a fait aussi son effort. Il s’est formé, il y a quelques années, à Barcelone, une société immobilière au capital de 2 millions. Elle a acheté des terrains à côté des centres manufacturiers et y a élevé des maisons coûtant 3,000 francs et comprenant quatre pièces surmontées d’une terrasse. Les ouvriers peuvent en devenir propriétaires, à l’aide d’une combinaison financière que M. Vicente de Romero a exposée au congrès de Blois, en 1884.

Je craindrais de fatiguer le lecteur en poursuivant, en dehors de l’Europe, cette revue un peu monotone. Les conditions économiques y sont, du reste, différentes de celles que nous subissons, et c’est, surtout au point de vue des intérêts de notre pays que la question doit nous préoccuper.


III.

En France, l’attention était depuis longtemps éveillée sur ce sujet, lorsque les pouvoirs publics s’en émurent à leur tour. Leur sollicitude pour les classes laborieuses se traduisit, d’une part, par la loi du 13 avril 1850 sur les logemens insalubres, et, de l’autre, par les décrets des 22 janvier et 27 mars 1852, qui affectèrent une somme de 10 millions à l’amélioration des habitations ouvrières, dans les grands centres manufacturiers. C’était au moment où la Cité Napoléon venait de s’élever, rue Rochechouart, sous le patronage du président de la république. La tentative n’avait pas réussi, et la cité ne put s’achever qu’à la faveur d’une subvention de 200,000 francs, qui lui fut attribuée sur les 10 millions qu’on venait de voter. Cette vaste construction renfermait 194 logemens, et fut habitée par 500 personnes, mais ces locataires n’appartenaient pas à la classe ouvrière; C’étaient de petits rentiers, des employés à salaire restreint, attirés par la modicité du prix. On y vit accourir également de vieux pensionnaires de l’état, jouissant d’un revenu très modique, gens très dignes d’intérêt sans doute, mais auxquels on n’avait pas songé en élevant ce coûteux édifice.

Les ouvriers évitent, en effet, ces habitations collectives, auxquelles le bon sens populaire a donné leur véritable nom, celui de cités-casernes. Ils ont horreur de la vie en commun. Chaque ménage cherche un logement en rapport avec ses ressources, le lieu de ses occupations, l’exigence de ses travaux, l’étendue de sa famille, et surtout il cherche à s’isoler. C’est la tendance qui fait, dans tous les pays, le succès des maisonnettes, lorsque le prix en est abordable.

Ce genre d’habitations a été inauguré en Alsace, dès 1835, par