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pour l’esquiver, de si longs délais pour s’y soumettre, qu’ils ont beaucoup plus d’avantage à épuiser toutes les juridictions qu’à obtempérer dès le début aux injonctions qui leur sont adressées. Les amendes sont bien au-dessous du prix des réparations exigées, de telle sorte que les propriétaires ont intérêt à se laisser condamner. Enfin, ils ont pour complices les locataires eux-mêmes, parce qu’aucune indemnité n’est accordée à ces derniers, lorsque la résiliation du bail est la conséquence des décisions de la commission.

Ces vices de la loi du 13 avril 1850 avaient frappé tous les esprits clairvoyans, avant même qu’elle fût promulguée. Le docteur Théophile Roussel les avait dénoncés, à la tribune de l’assemblée législative, lors de la discussion. Depuis cette époque, la révision en a été demandée par la commission des logemens insalubres de la ville de Paris, par le comité consultatif d’hygiène et par la Société de médecine publique. Trois projets de loi, émanant de l’administration ou de l’initiative parlementaire, ont été déposés sur le bureau de la chambre et renvoyés à une commission, qui attend que le ministre compétent vienne défendre devant elle le projet du gouvernement, et qui ne s’est pas réunie depuis dix mois, parce que le ministre est absorbé par d’autres préoccupations.

Tous ces projets se ressemblent au fond. Ils rendent les commissions des logemens insalubres obligatoires, leur donnent des pouvoirs plus étendus, simplifient la juridiction, abrègent ou suppriment les délais, et édictent des peines suffisantes pour empêcher les contraventions.

En attendant que les pouvoirs publics aient donné à l’hygiène urbaine les moyens d’action qu’elle réclame depuis si longtemps, l’initiative privée peut suppléer à l’impuissance de l’administration dans l’assainissement des logemens ouvriers. L’œuvre poursuivie avec tant de succès, en Angleterre, par miss Octavia Hill, a donné les mêmes résultats à Leipzig, à Darmstadt et dans quelques autres villes d’Allemagne. Il n’y a pas de raisons pour qu’elle ne réussisse pas à Paris comme à Londres. Les personnes intelligentes et dévouées n’y manquent pas, et l’argent n’y fait jamais défaut quand il s’agit d’entreprises utiles. Il suffirait que quelqu’un en prît l’initiative; mais c’est là une mission essentiellement individuelle qu’il faut abandonner, comme en Angleterre, à la charité ingénieuse des femmes, qui sont habiles à faire de grandes choses avec de petits moyens. La construction des logemens à bon marché réclame, au contraire, la mise en jeu de capitaux considérables et ne peut être que le résultat d’une action collective.

Pour construire la quantité de maisons ouvrières qui seraient nécessaires