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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/454

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partisans de la guerre avaient emmené Louis XIII à Orléans. Lesdiguières, au reste, n’était plus aussi pressé de conclure la paix. Luynes était mort le 14 décembre 1621 ; ses débiles mains n’avaient tenu qu’un instant l’épée de connétable. Le favori avait voulu avoir Lesdiguières comme témoin de ses triomphes et comme complice de ses rigueurs contre les protestans; mais Lesdiguières était bien vengé : son roi avait dû tourner le dos à Montauban, Luynes avait souffert avant de mourir les mépris de celui qui l’avait élevé si haut; le vieux serviteur d’Henri IV voyait de nouveau tous les yeux se tourner vers lui, ceux des catholiques comme ceux des protestans. Il veut cette fois se faire prier; dans son « instruction à M. de Créqui s’en allant vers le roi, sur son abjuration et son élévation à la charge de connétable de France[1], il écrit : « Quant à ce que Sa Majesté a daigné de me vouloir honnorer de la charge de conestable de France, je suplie très humblement Sa Majesté de considérer mon âge, mon infirmité à cause de ma surdité, et aussi de mon incapacité en une charge si pezante et de tel pois... Si par-dessus ces remontrances, Sa Majesté persiste en cette résolution, je recognois très bien qu’en l’état où sont ces affaires que nul ne peut exercer cette charge qu’il ne face profétion de la religion catholique romaine, chose très dure à moy qui ay toute ma vie fet profession de la religion prétendue réformée[2]. Considérera Sa Majesté, s’il luy plet, que je la puis servir envers ceulx de la religion demeurant en Testât que je serés, et au contrère je pers la créance que je puis avoir envers eux, outre le regret qui m’en demeure. Si par-dessus toutes ces remontrances Sa Majesté persiste, pour luy tesmoigner que je vous céder à toutes ses volontés, je suplie très humblement Sa Majesté de se contanter que pour luy pleire et obéhir je l’acompagnerai à la messe et vespres, les entandrei avec lui, me désisterai de fère ailleurs l’exercice de ma religion, atandant que Dieu et le temps y pourvoie par sa sainte grâce. »

Quelques jours après, il écrit au roi : «Cette charge de connestable est la seconde colonne de Testât sur laquelle est suspendue la grandeur de votre règne ; le titre n’est pas seulement pour orner le frontispice d’un livre ny les provisions les archifs d’un cabinet, les soins à quoy cet honneur oblige veullent un homme antier, séparé des appréhentions de la retraicte, une force vigoureuse et gaillarde et les sens esloignés de la descrépitude. » Il hésite encore, ou feint d’hésiter; il craint de plier sous le faix d’une si grande faveur : il

  1. Actes et Correspondance, t. II, p. 363.
  2. Depuis quelque temps déjà, Lesdiguières se servait de ces termes « prétendus formés, » auxquels les protestans faisaient objection.