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montagnes, ou combattant misérablement, pour les défendre, contre les Illyriens, les Thraces et les Triballes. Il vous a donné l’habit de soldat ; il vous a fait descendre dans la plaine et vous a appris à combattre les barbares à armes égales. » En vérité, Démosthène ne se fera pas trop d’illusion en croyant que la liberté hellénique pouvait être défendue contre de tels voisins.

Un ami de la Grèce eût donc, à cette heure, vu sans effroi finir la sanglante expérience qui s’était poursuivie depuis trois ou quatre générations. Les Grecs, ne pouvant s’unir, semblaient du moins être arrivés à des conditions générales d’existence plus équitables et meilleures. Il n’y avait plus de peuple dominant sur un autre peuple, par conséquent plus de maîtres et de sujets; mais il y avait moins de morcellement. Beaucoup de petits états avaient disparu au sein de confédérations qui maintenant couvraient des provinces entières ; moyen plus sûr et moins contraire aux tendances impérieuses de l’esprit grec d’arriver, un jour peut-être, par l’union des ligues provinciales, à une confédération de tout le corps hellénique. En outre, ces ligues sont faites à des conditions plus justes. Tous les alliés d’Athènes, les plus faibles comme les plus puissans, ont une voix au congrès général, et tous les membres de la confédération d’Arcadie, comme ceux de la ligue achéenne, ont des droits égaux. Dans la nouvelle alliance entre Lacédémone et plusieurs peuples du Péloponnèse, il est convenu que chaque état commandera sur son territoire.

Une des grandes iniquités de Lacédémone, l’ilotisme des Messéniens, était réparée : Messène était indépendante, et Sparte enfermée dans sa vallée de l’Eurotas. L’Arcadie, renonçant à ses antiques divisions, avait réuni trente de ses villages dans la grande cité, Mégalopolis, et formé un état capable de tenir en bride l’ambition Spartiate, en couvrant contre elle le reste du Péloponnèse. Corinthe, fatiguée de ces guerres qui la ruinaient, n’aspirait qu’à la paix, au commerce, au plaisir. Argos, naguère souillée de sang, voyait au moins les factions s’apaiser et lui donner quelque répit. Les Achéens renouaient leur vieille fédération avec des idées d’égalité et de justice qui leur vaudront l’honneur d’être les derniers sur- vivans de la Grèce. La ligue béotienne obéissait à Thèbes, mais maintenant sans trop de contrainte. Athènes enfin avait relevé son commerce avec sa marine militaire, et ramené à elle ses anciens alliés par la sagesse de sa conduite.

Qui empêchait ces états rentrés dans leurs limites de vivre en paix, après s’être mutuellement convaincus d’impuissance dès qu’ils voulaient en sortir? Pourquoi ne seraient-ils pas redevenus ce qu’ils avaient été, un siècle plus tôt, chacun un foyer de lumière? Malgré tant de combats, ils n’avaient pas beaucoup perdu de leur