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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/553

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biens fonciers engageant d’immenses capitaux, — c’est l’époque des latifundia, — soit en richesse mobilière. Il suffit de nommer Gras-sus, Cluvius de Pouzzol, ce prête-nom de Pompée, Pinnius, l’ami de Cicéron, et auquel la seule ville de Nicée devait 6 millions de sesterces, etc.

Comment faut-il donc entendre ce mot, souvent répété, du tribun Marcius Philippus, lequel, proposant vers ce temps-là une loi agraire, s’écriait qu’il n’y avait pas alors dans Rome deux mille citoyens propriétaires, non esse in civitate duo milita hominum qui rem haberent ? Est-ce la pure contradiction de ce que nous venons d’essayer d’établir ? Cicéron, qui rapporte ce mot au second livre du De offîciis, le blâme comme s’adressant aux mauvaises passions, et ne tendant à rien moins, dit-il, qu’à la communauté des biens. Était-ce, en effet, une parole démagogique née des besoins du moment et de la cause ? Ou bien cette parole faisait-elle allusion à la transformation qui s’opérait alors dans les fortunes privées, la richesse mobilière prenant son essor, mais les petits domaines disparaissant, absorbés par la grande propriété ? Ce qu’on sait du tribun de l’année 104, fort riche lui-même, gourmand et voluptueux, et redouté pour son esprit malveillant, peut mettre en défiance contre un mot auquel économistes et historiens, dans la pénurie des informations, ont attribué une valeur probablement imméritée.

La société romaine des deux derniers siècles de la république, on n’en saurait douter, est une société où la richesse domine, jusqu’à déterminer plus que jamais l’influence de certaines classes. Les chevaliers ont, les premiers, profité de la conquête pour réaliser des gains considérables, et leur importance politique s’en est accrue d’autant. Lorsque les Gracches, animés d’un très sage dessein, ont entrepris de remédier par les lois agraires à l’oppression des petits propriétaires et à l’épuisement de l’ancienne plèbe rustique, les chevaliers leur sont apparus comme les adversaires naturels à opposer au patriciat. Caius Gracchus a donc fait accepter une loi qui leur concédait le privilège, jusqu’alors réservé aux sénateurs, d’être appelés à faire partie des tribunaux ; on sait que, pour les Romains, la justice se ne séparait pas de l’administration. A partir de cette date, les chevaliers ont formé vraiment un ordre dans l’état, ordre intermédiaire, — non étranger à l’ordre sénatorial, puisque les chevaliers les plus éminens, après avoir rempli certaines charges, y pouvaient être admis, — non étranger à l’ancienne plèbe rustique, puisqu’il la représentait, au contraire, ainsi que les villes municipales, dont il formait comme la noblesse locale. Chefs des petits peuples qu’alla chercher le droit de cité, les chevaliers ont grandi sans cesse en nombre et en puissance effective. Administrateurs de leurs municipes