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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/556

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pâturage, et ce qu’on peut appeler l’industrie pastorale, la pastorizia, propage, avec la misère des hommes, la détérioration du sol même. Quant à la richesse mobilière, sans doute il a été de son essence, alors comme aujourd’hui, de créer, par la puissance du crédit, des sources innombrables de bien-être ou de fortune ; mais elle a enfanté aussi la spéculation, dans le sens tout moderne du mot, la corruption politique, la perte des vertus civiles, la démoralisation. Cette société des derniers temps de la république, qui disposait de la richesse, n’était plus capable de la liberté. L’ordre équestre fut l’organe principal et de ce progrès et de cette dégénérescence. Il ne faut pas oublier ses mérites et ses services. Grâce aux publicains, le trésor public fut d’ordinaire assuré à l’avance de revenus fixes ; ils ont pendant longtemps administré les finances romaines avec intelligence et loyauté. C’est dans cet ordre que se sont formés ces hommes laborieux, intelligens et honnêtes, qui sont devenus pour l’empire de très précieux fonctionnaires. On sait qu’un des aïeux de Vespasien avait mérité en Asie qu’on lui élevât des statues, avec cette inscription : Au receveur intègre, et Vespasien, devenu empereur, témoigna d’une pareille modestie et de semblables vertus. Ce furent pourtant aussi ces chevaliers qui, fermiers des revenus publics, adjudicataires de toutes les grandes entreprises, maîtres du crédit, après avoir réalisé d’immenses fortunes et disputé au sénat la puissance politique, pressurèrent les provinces, soudoyèrent les factions au forum, et contribuèrent au ferment de guerre civile qui devait préparer leur ruine avec celle de la république. Une peinture complète, d’après la correspondance de Cicéron, par exemple, du rôle de la corruption financière dans les dernières agitations qui amenèrent l’empire, dans la conspiration de Catilina, dans la lutte suprême entre César et Pompée, montrerait à la fois de quelle ardeur le crédit financier animait alors toutes les parties du monde romain, et quelle révolution générale cette fièvre, devenue malsaine, allait naturellement enfanter.


A. GEFFROY.