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REVUE LITTERAIRE

M. CARO.

Mélanges et Portraits, par M. E. Caro, de l’Académie française. Paris, 1888 ; Hachette.

Ce n’est point une biographie de M. Caro que je me propose ici d’écrire, ni même un portrait que je veux essayer d’en tracer. D’autres que moi s’acquitteront mieux d’une tâche où, de tout ce qu’il y faut, je craindrais de ne pouvoir mettre qu’une chose : beaucoup de reconnaissance, et l’expression de ma fidélité pour la mémoire d’un homme que j’ai aimé, à qui j’ai plus d’une obligation, et de qui la mort, après un an bientôt, m’est encore une tristesse récente. Mais qu’importent au public nos souvenirs ou nos affections ? Si d’ailleurs, en rappelant quelques traits de cette bienveillance et de cette délicatesse qui furent celles de M. Caro, la gravité de son accueil, et, quand on le connaissait mieux, la douceur de son commerce, je croyais en pouvoir ajouter quelques-uns à sa physionomie, j’hésiterais même alors à le faire, pour ne pas avoir l’air de vouloir détourner sur la personne l’estime que doivent d’abord à son œuvre tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées au XIXe siècle. Que les siens, que les amis, que son public aussi me permettent donc aujourd’hui de ne leur parler que de l’écrivain ou du philosophe, et de me borner à tâcher de caractériser la nature de son talent et celle de son rôle. Je voudrais rendre à M. Caro une justice qu’on ne lui a pas toujours rendue de son vivant, et du déni de laquelle on peut dire que, s’il mettait un naturel orgueil à n’en rien laisser voir, il a cependant beaucoup souffert.

Je ne dirai rien du professeur, si ce n’est qu’en le perdant, la Sorbonne, où il enseignait depuis plus de vingt ans, a perdu plus qu’elle ne croit peut-être, et non-seulement une voix éloquente, mais, — et