présidentiel ! M. Bristov, secrétaire du trésor (ministre des finances), avait poursuivi une vaste association de fraudeurs sur les boissons, le whiskey ring, sans avoir égard aux attaches politiques des coupables avec la faction régnante. Celle-ci se ligua tout entière contre lui et prétendit le forcer à quitter le ministère. Il faisait son devoir envers la nation, mais il trahissait le parti.
L’excès des abus suscite par intermittences des protestations de l’opinion publique et quelques tentatives de réforme. Harrison, élu à la présidence en 1840, semble animé du ferme vouloir de soustraire l’administration aux contre-coups des luttes électorales. Une circulaire conçue dans ce sens est adressée à tous les chefs de services par Daniel Webster, alors secrétaire d’état (ministre des affaires étrangères). Mais les partisans qui ont mené la campagne présidentielle n’entendent pas se laisser arracher les fruits de la victoire. Ils assaillent la Maison-Blanche de revendications si furieuses qu’on leur reprocha d’avoir hâté la mort de Harrison, survenue au bout d’un mois. « Ces hordes vandales de coureurs d’emplois sont plus avides que les harpies, s’écriait Woodbury au sénat en 1841. Elles nous ont déjà tué un président, elles vont empoisonner l’existence de son successeur, à moins qu’il ne soit de fer. »
Quarante ans après, le président Garfield, assassiné par Guiteau, solliciteur désappointé, fut aussi, dit-on, la victime de ses velléités réformatrices. Certains journaux accusèrent les politiciens de l’avoir désigné, par leurs invectives, aux coups des sectaires. Il ne faudrait pas prendre à la lettre les exagérations intéressées de la presse : les martyrs sont de précieux argumens de polémique. Que penser toutefois du système contre lequel des imputations semblables sont sérieusement formulées ?
En 1848, le pays essaie encore de revenir à des pratiques plus saines. On voudrait non-seulement enrayer les abus du patronage, mais établir le gouvernement pour tous au lieu de la domination exclusive des partis Taylor, choisi comme candidat national à la présidence, arrive au pouvoir avec l’intention de remplir loyalement les conditions de ce beau programme. Il se laisse accaparer presque malgré lui par les whigs, et la tentative avorte. L’effort était peut-être au-dessus de toutes les bonnes volontés.
Verrons-nous réussir définitivement le nouvel essai de réforme que poursuit le président actuel, M. Cleveland, après une première ébauche de M. Hayes ? Les fonctions publiques cesseront-elles désormais d’appartenir par droit de conquête au parti vainqueur et de servir à consommer la défaite du parti vaincu ? L’heureuse chance et le savoir-faire des Américains commandent de s’attendre à tout de leur part, même à l’improbable ou à l’impossible dans le bien.