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le Mont-Cenis, un hospice pareil à celui qui existe sur le Grand-Saint-Bernard. Ces hospices seront servis par des religieux du même ordre. Il ne pourra jamais y avoir moins de quinze personnes dans chaque hospice, et les religieux seront soumis à la même discipline, tenus à observer les mêmes devoirs envers les voyageurs que ceux du Grand-Saint-Bernard. Ce dernier est pourvu d’une somme de 20,000 francs de rente, et 40,000 francs seront employés à la construction des deux autres. » En même temps, Napoléon fit ouvrir une grande route praticable aux grosses voitures dans ces parages qu’on ne pouvait traverser sous les ducs de Savoie qu’à dos de mulet. Les travaux de cette magnifique route de Lanslebourg à Suze, sur une longueur de 35 kilomètres, continués sans interruption pendant dix ans, de 1803 à 1813, coûtèrent la somme énorme de 6,080,000 francs.

Il agrandit l’hospice en affectant une somme de 120,000 francs à des constructions nouvelles. Il donna en toute propriété le lac à l’hospice, qui fut tenu d’entretenir constamment un chirurgien, de fournir une demi-bouteille de vin et des alimens nécessaires à tous les soldats qui passaient avec une feuille de route en règle, et de les héberger en hiver dans des salles réchauffées. L’empereur s’y réserva un appartement à l’ameublement duquel 14,000 francs furent consacrés. De tout ce mobilier, la chambre impériale ne conserve à cette heure qu’un lit en acajou, avec une vieille tenture en soie verte et un vase en cristal ébréché.

Le séjour de Pie VII est un des événemens mémorables de l’histoire de l’hospice. En se rendant à Paris pour sacrer l’empereur, le saint-père s’arrêta à l’hospice du Mont-Cenis le 15 novembre 1804, objet d’un accueil tout filial de la part de l’abbé et de ses religieux. De retour à Rome, le vénérable pontife leur adressa un beau calice en argent doré comme témoignage de l’hospitalité qu’il en avait reçue. Le souvenir de cet événement est rappelé dans la chambre impériale par l’inscription suivante :


ANNO REPARATIONIS 1804 15 NOVEMBRIS
EXULTAVERUNT MONTES A CONSPECTU PII VII
CUJOS MEMORIAM IN BENEDICTIONE HOC IN EODEM LOCO
NON SICCIS PRÆ CONSOLATIONE OCULIS
RELIGIOSI HUJUS ABATIÆ MONTIS CINERIS ILLUM
PROSTRATI RECEPERUNT.


Huit ans après, les religieux du Mont-Cenis avaient encore la satisfaction d’offrir à Pie VII l’hospitalité de leur maison ; mais cette fois, dans une situation douloureuse, bien différente de la première :