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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.

Quelle sera la fin de tout ceci ? Comment sortira-t-on de cette obscurité qui va en s’épaississant à mesure que les incidens se succèdent ? On ne le sait pas, on ne peut rien prévoir ; on sent bien seulement que la France est engagée dans une des crises les plus troubles, les plus pénibles, les plus irritantes qu’elle ait jamais traversées, et elle a cela de grave, cette crise nouvelle, qu’elle est provisoirement à peu près sans issue, au moins sans une issue régulière et saisissable.

Tout semble se réunir pour placer le pays dans une de ces situations extrêmes et fausses où le bien même, le bien plus que le reste, est difficile, parce que la confusion est partout et la direction n’est nulle part. Tout est livré à l’aventure, aux passions bruyantes et arrogantes des partis, qui se disputent leur patrie comme une proie, à l’imprévu d’une consultation populaire que tout le monde appelle, en se réservant de la confisquer ou de n’en tenir aucun compte. C’est la tyrannie de la violence et du hasard déchaînée dans nos affaires ! Assurément, à travers tout, dans ce pays si éprouvé, si audacieusement exploité, si souvent abusé, il y a une force de résistance, de sagesse instinctive, qui peut de jouer bien des calculs. En définitive, il vit quand même, ce malheureux pays, il travaille courageusement, il est tous les jours à son œuvre patiente et obscure, à cette œuvre par laquelle la France existe. Il ne demande que la paix à l’intérieur comme à l’extérieur, un peu de stabilité, la sécurité du lendemain, et, si les hommes qui ont le sentiment de ses intérêts, de ses vœux, pouvaient unir leurs efforts pour le rassurer, pour le guider, en ralliant toutes ces forces de raison, et de bon sens qui sont dans la nation, rien ne serait encore perdu ; mais c’est là précisément la question. On a si bien fait depuis quelques années, on a si étourdiment, si aveuglément confondu et affaibli toutes les conditions d’une vie régulière, on a mis un tel zèle