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la mission de réorganiser l’Allemagne. La tâche était singulièrement ardue. On put craindre, à plus d’une reprise, que la diplomatie n’en désespérât, et lorsqu’il s’agit, par exemple, de régler le sort de la Saxe et des autres alliés de Napoléon en Allemagne, la guerre parut sur le point d’éclater. Les partisans les plus déterminés du passé ne songeaient pas à restaurer tel quel l’état politique de l’Allemagne avant 1791. Personne ne prétendait rétablir les principautés ecclésiastiques, et les réclamations des princes médiatisés » toutes vives qu’elles étaient, avaient peu de chances d’être entendues. Les intérêts mêmes des vainqueurs s’y opposaient. Il leur était déjà assez difficile de concilier leurs prétentions rivales. Mais il fallait aussi tenir compte des sentimens de la nation, au moins dans toute l’Allemagne du Nord, qui avait couru aux armes en 1813. Bouleversée par tant de guerres, meurtrie et finalement exaspérée par la main puissante, mais rude, de Napoléon, elle sortait de la lutte avec des désirs impérieux et des ambitions qu’elle ne se connaissait pas au XVIIIe siècle. Avant tout, elle voulait être une. Jusqu’en 1806, l’unité avait existé, sous la forme à peu près fictive, il est vrai, du « saint-empire romain germanique. » Mais bien avant la révolution française, cette fiction n’en imposait plus à personne, ni en-Allemagne ni hors d’Allemagne. Elle ne dissimulait plus la division réelle des états allemands, et le sentiment public voulait. qu’elle n’eût pas été étrangère aux défaites et aux humiliations que la nation avait subies. Aussi, à ce moment décisif où l’Allemagne va être reconstituée, les principaux publicistes se tournent vers le congrès réuni à Vienne. Au nom du peuple allemand, ils réclament à grands cris l’unité nationale. Le célèbre Mercure du Rhin, que l’on appelait « la cinquième grande puissance, » supplie éloquemment les hommes d’état qui tiennent le sort de l’Allemagne entre leurs mains de lui donner l’empereur qu’elle attend, qu’elle implore. En même temps, l’école romantique, éprise du moyen âge, se complaisait dans l’histoire héroïque des empereurs du XIIe et du XIIIe siècle, et réveillait dans l’imagination populaire des souvenirs mal effacés.

Les diplomates du congrès de Vienne ne devaient point satisfaire ces aspirations. Le rétablissement d’un grand empire allemand était peut-être au-dessus de leurs forces, à coup sûr il n’était pas dans leurs intentions. Sans parler des autres obstacles, la Prusse se refusait absolument à reconnaître la souveraineté effective en Allemagne d’un empereur qui n’eût pas été le roi de Prusse. De son côté, le prince de Metternich ne se souciait pas d’accepter pour son maître une souveraineté purement nominale, qui, pensait-il, eût été une source d’embarras sans compensation. Le mauvais vouloir, bien qu’inspiré par des raisons différentes, était donc égal chez