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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/347

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sûretés qui les garantissent des reproches de leurs alliés, puisque le changement qu’on voit aujourd’hui dans les affaires générales est uniquement dû à la négociation commencée avec l’Angleterre. Il ne convient donc nullement de faire à cette couronne des propositions capables d’inspirer des doutes sur la bonne foi dont j’ai traité avec elle. Je découragerais le parti porté pour la paix et donnerais, dans l’instant, l’avantage à la cabale opposée[1]. »

Pour adoucir quelque peu l’amertume de ce langage si hautain et si sec, qui brisait tout net les espérances exprimées par Philippe V, son aïeul terminait ainsi la dépêche du 16 mai : « Détruisez dans l’esprit de mon petit-fils l’idée qu’il a que j’use de menaces lorsque je lui explique l’état exact des affaires et que je lui donne mes conseils. Mon intention est de lui faire connaître la vérité. Si elle est désagréable pour lui, il faut s’en prendre au malheur des temps, y remédier, autant que possible, par une bonne conduite, et ne pas croire que je songe à lui faire de la peine quand je n’ai que des sujets de le louer et d’être content des facilités qu’il apporte à la conclusion de la paix. » Puis voulant s’expliquer lui-même, avec le roi d’Espagne sur un sujet si délicat, il lui écrivait les lignes qu’on va lire, et dans lesquelles la tendresse paternelle, inspirée peut-être par les nobles remontrances de la princesse des Ursins, cherche à calmer la douleur des meurtrissures que vient de faire la férule du pédagogue :

« Quoique je sois persuadé que votre amitié pour moi et la raison vous détermineront toujours à faire ce que je pourrais désirer, il y a cependant des conjonctures où je puis, sans douter de vos sentimens, vous faire dire des vérités que je trouve moi-même très fâcheuses, mais aussi que je ne puis vous déguiser quand il faut que vous soyez sérieusement instruit de l’état des affaires. Ne croyez donc pas que je prétende vous engager par crainte à faire ce que j’attends seulement de la bonté de votre cœur… Quoique vos demandes soient fondées sur la justice, nous sommes dans un temps où elle n’est guère écoutée, et lorsque Bonnac vous expliquera les difficultés qui s’opposent à ce que vous souhaitez, regardez, je vous prie, ce qu’il vous dira comme une exposition sincère que je veux qu’il vous fasse de la situation présente des affaires et non comme un refus de ma part, encore moins comme une menace.

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Courcy.
  1. Louis XIV à Bonnac, 9 mai 1712.