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pas voler, ne pas commettre ni concevoir l’adultère, ne pas mentir, ne pas boire de liqueurs enivrantes. À ces préceptes il ajoutait, comme vertus actives, la recherche de la vérité, la charité envers tous les hommes, même envers les ennemis, le secret des bonnes œuvres, la pureté dans les actions, les paroles et les pensées, le détachement des richesses, la visite aux malades, le rachat des prisonniers, l’enseignement.

Pour faciliter la pratique des vertus, la règle bouddhique ajoutait des moyens appropriés à chacune d’elles. Ainsi, en vue de l’humilité, qui est une forme du renoncement, elle institua la confession publique, la tonsure, le vêtement simple et de couleur unie, le parasol de feuilles de palmier, la marche à pied sans chaussures, la mendicité réduite au strict nécessaire ; en vue de la méditation, elle créa les monastères et la retraite au désert, le chapelet, les stupas ou édifices commémoratifs du maître, les reliques des saints, les lectures en commun, les cloches pour rassembler les fidèles.

Le Bouddha allait de ville en ville, de village en village, enseignant la loi et attirant à lui des milliers d’auditeurs. Il s’adressait surtout aux pauvres, aux laïques, aux femmes. Il ne disputait jamais et confirmait son enseignement par une objurgation, une guérison, un miracle. Pour être compris du peuple, il employait la langue populaire, le pâli du Magadha, et non le sanscrit des brahmanes. Aux çoûdras, la dernière des castes, il parlait en paraboles dans les termes les plus simples et les plus touchans. D’après les livres, Çâkyamouni devint bouddha à trente-cinq ans, enseigna plus de quarante années, et, parvenu à l’heure du nirvâna, mourut âgé de quatre-vingts ans.

Je n’ai point à discuter ici sur la nature du nirvâna. Je dirai seulement que l’idée du néant est absolument étrangère à l’Inde, que l’objet du Bouddha fut de soustraire l’humanité aux misères de la vie terrestre et à ses retours alternés ; qu’enfin il passa sa longue existence à lutter contre Mâra et ses anges, qu’il appelait lui-même la Mort et l’armée de la mort. Le mot nirvâna veut bien dire extinction, par exemple d’une lampe sur laquelle on souffle ; mais il veut dire aussi absence de vent. Je pense donc que le nirvâna n’est autre chose que ce requies œterna, cette lux perpetua que les chrétiens aussi demandent pour leurs morts. C’est en ce sens qu’il est entendu dans le texte birman publié il y a quelques années à Rangoun, en anglais, par le révérend Bigandet.

Quoi qu’il en soit, le Bouddha avait fait un nombre immense de conversions. Les foules étaient accourues à lui, comme à l’auteur de leur régénération et de leur salut. Ses convertis des deux sexes étaient partagés en quatre ordres, suivant leurs capacités ou leurs