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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/446

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d’organiser le contrôle et d’assurer le meilleur emploi des deniers publics ? — Réalisons ce programme de réformes pratiques. Le véritable hommage, le seul digne de l’anniversaire de 1789, eût été, — non de soumettre aux délibérations des trente-six mille communes de France la forme du gouvernement, au risque de jeter dans les esprits, comme il y a cent ans, un trouble irréparable et de préparer l’avènement du plus formidable radicalisme, — mais de faire entrer dans notre législation inachevée ces lois de garantie, sanction efficace des libertés et des mœurs publiques. Voilà l’œuvre de salut par laquelle un peuple sage fête un glorieux anniversaire ! Le champ est assez vaste : il y a place pour toutes les bonnes volontés. Il faut les appeler sans distinction d’origine, et répudier, il n’en est que temps, les exclusions et les méfiances.

Après tant d’épreuves et de déboires, allons-nous recommencer les mêmes fautes ? Sommes-nous destinés à nous débattre éternellement dans une alternative qui nous rejette de l’abus de la force à l’abus de la liberté ? Vieillirons-nous, centenaires que nous sommes, dans une perpétuelle enfance, trébuchant d’étape en étape, n’ayant acquis aucune expérience ni dépouillé aucun préjugé ? Si les confiances trop aveugles de la Constituante, si les fautes de la Législative, si les crimes de la Convention, si l’incapacité du Directoire ne suggèrent aucune réflexion à nos contemporains, s’ils ont encore les yeux éblouis par les gloires de l’empire, s’ils acceptent les jugemens vulgaires, les phrases toutes faites d’une opposition aveugle sur l’économie sordide des gouvernemens constitutionnels et sur la paix à tout prix, s’ils croient encore aux coups d’état et aux coups de force, s’ils pensent que les peuples ne peuvent se passer d’un maître, il faut refaire toute leur éducation, renouveler leurs idées, rectifier leurs erreurs, les ramener à l’histoire de 1788, leur montrer comment, en acceptant les préjugés, les idées fausses qui ont cours sur la révolution française, ils ont confondu les deux esprits, les deux courans contraires, l’un conduisant au gouvernement pondéré, l’autre emportant la France vers le pouvoir absolu. S’ils ont cru, comme les jacobins et les émigrés, que les crimes de 1793 étaient la suite des maximes de 1788, qu’ils relisent plus attentivement l’histoire.

Notre génération n’a ni ces immenses espérances ni ces bouffées d’orgueil qui ont pu aveugler les générations précédentes. Elle a subi trop de mécomptes pour n’être pas triste : elle est dans l’état d’âme qui prépare le mieux à comprendre les enseignemens du passé. Elle serait inexcusable de n’en pas saisir les leçons. Les erreurs, les crimes commis de 1789 à 1800, se sont tous renouvelés : les mêmes faiblesses ont produit à deux ou trois reprises les mêmes malheurs. En étudiant nos annales d’un siècle, il n’est pas