Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se sont passées à peu près comme à Upsal ; il était naturel qu’il en fût de même à Bologne.

Le point culminant de la fête, — pour parler comme le programme, — avait été fixé au mardi 12 juin : on a vu pourquoi. Ce jour-là, il fallait s’armer de courage, car les cérémonies officielles devaient durer fort longtemps, et il faisait un implacable soleil. Comme partout, c’est par une procession qu’on a commencé. Le cortège s’est formé au palais de l’Université, situé à l’une des extrémités de la ville, et il devait se rendre à l’Archiginnasio, qui est au centre. La route était longue, et, comme on marchait lentement, on a mis près de deux heures à la parcourir. Si j’avais eu l’agrément d’être spectateur, au lieu de faire partie du spectacle, je pourrais dépeindre l’effet que nous produisions à ceux qui nous voyaient passer. Tout ce que je puis dire, c’est qu’ils semblaient s’amuser beaucoup. On regardait avec la plus vive curiosité défiler l’interminable cortège, et à chaque nation nouvelle, les applaudissemens redoublaient. Nous eûmes même l’agréable surprise, dans la via Farini, d’être couverts de lauriers et de fleurs que nous jetaient des mains charmantes des balcons et des fenêtres d’un palais.

C’était surtout la diversité des costumes de professeurs qui paraissait ravir le public. Il est certain qu’il y en avait de toute couleur et de toute forme. Non-seulement ils changent d’un pays à l’autre, mais il y a des nations, comme l’Allemagne, où chaque université a le sien. Cependant le fond en est d’ordinaire assez semblable : tous les professeurs du monde portent la robe et la toque. À cette règle générale, je n’ai guère vu qu’une exception. Il y avait parmi nous, à Bologne, un Hongrois qu’on regardait beaucoup, et qui causait une assez vive curiosité. Il portait une sabretache, des bottes molles, un kolbach, et traînait un grand sabre de cavalerie. Tout le monde le prenait pour un officier de uhlans : c’était simplement un professeur de géologie. Nous entendions sur notre passage la foule faire ses réflexions et comparer entre eux les divers costumes universitaires. Si j’avais eu à me prononcer et à dire lequel me semblait le plus élégant et le mieux porté, je crois que je me serais décidé pour l’Angleterre. Les professeurs anglais ont conservé plus fidèlement les costumes du XVIe siècle ; quelques-uns d’entre eux ressemblaient à des portraits d’Holbein. Il m’a paru pourtant que mon opinion n’était pas celle du plus grand nombre ; autour de moi, on penchait pour la France. Les robes rouge, orange, lie de vin de nos diverses facultés, étaient fort regardées, mais c’étaient les robes jaunes de la faculté des lettres qui attiraient surtout les yeux. Chez nous, on en plaisante volontiers ; on trouve qu’elles sont d’un ton voyant et criard ; mais,