Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

composition. Ç’a toujours été, comme l’on sait, le défaut de M. Daudet, qu’il a d’ailleurs habilement déguisé, dont il avait réussi, dans Jack, dans le Nabab, à se faire presque une qualité, dont nous eussions cru qu’il avait triomphé dans l’Évangéliste et dans Sapho, mais que nous voyons reparaître dans l’Immortel ; — et qui ne laisse pas d’en rendre la lecture un peu fatigante. Les descriptions surtout y semblent infinies, et, moins nombreuses, on les y trouve plus longues : l’enterrement de Loisillon, par exemple, ou le dîner chez la duchesse Padovani. C’est que les notes de l’observateur, moins adroitement fondues dans le récit, y transparaissent à l’état simple, comme elles ont été prises. « Partout les taches vertes, bleues, rouges des cordons, l’argent mat, et les feux en étoiles des brochettes et des plaques… Quelqu’un se montra, une grosse dame en noir, veuve et fraîche, qui faisait son ménage mortuaire, tranquille, comme à la campagne, dans un cabanon marseillais… Un sacré petit officier, pas commode, la jugulaire au menton, dont cet enterrement devait être la première affaire. » Sur les carnets de M. Daudet, toutes ces esquisses doivent être datées. Presque à coup sûr, dans l’enterrement de Loisillon, il y a des notes que M. Daudet n’avait pas jadis utilisées dans l’enterrement de la petite Delobelle. Mais si M. Daudet a toujours procédé de la sorte, nous en avons fait ici même assez souvent la remarque pour qu’il nous soit permis de nous borner à la rappeler. Et il sera plus intéressant, plus instructif peut-être, de rechercher pour quelle cause plus profonde M. Daudet n’a pas pu mettre, dans son Immortel, ce qu’il avait su mettre, dans son Évangéliste ou dans Sapho, de suite et d’unité.

C’étaient sans doute aussi des « sujets parisiens, » pour parler comme lui, que M. Daudet avait traités naguère, dans l’Évangéliste ou dans Sapho, mais c’était en même temps quelque chose de plus, qui débordait la chronique, qui passait les fortifications, si je puis ainsi dire, et de vrais drames enfin de la conscience ou de la vie. Mais ici, dans son Immortel, puisque ce n’est pas à ses rancunes ou à son dépit, à quoi M. Daudet veut-il que nous nous intéressions ? à la candidature académique de M. de Freydet ? Qu’est-ce que c’est que M. de Freydet ? d’où sort-il ? qu’a-t-il fait ? et puisque l’Académie n’est rien ou peu de chose, que nous importe à nous, dans le fond des provinces, ou dans un quartier de Paris, très lointain et très silencieux, qu’elle prenne M. de Freydet ou qu’elle lui préfère le baron Huchenard ? Et le mariage du prince d’Athis ou la fortune de Paul Astier, quel intérêt y pouvons-nous prendre ? Architecte et diplomate, ils nous sont également étrangers, étant tous deux également « forts » peut-être, mais tous les deux surtout également vides et inexistans. Une gredinerie vulgaire, toute seule et par elle-même, n’a rien dont nous soyons