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à Tlemcen, avait fait partir, le 27 septembre, sous le commandement du lieutenant Marin, ancien sous-officier aux zouaves, un détachement de 200 hommes, sortant de l’hôpital pour la plupart. Le 28, au matin, à tt kilomètres seulement d’Aïn-Temouchent, le lieutenant avait fait la halte du café auprès du marabout de Sidi-Moussa, quand il aperçut une troupe de cavaliers arabes avec des drapeaux, qu’il reconnut pour ceux d’Abd-el-Kader. À cette vue, perdant la tête, et l’imagination sans doute frappée par le désastre de Sidi-Brahim, qu’il connaissait de la veille, Marin, au lieu de se mettre en défense, courut à l’émir et lui offrit la soumission de son détachement, s’il voulait lui garantir, à lui-même et aux siens, la vie sauve. Abd-el-Kader ne s’attendait à rien moins ; il prit au mot le malheureux officier, lui promit tout ce qu’il voulut et goûta l’orgueilleux plaisir de voir 200 soldats français déposer à ses pieds leurs armes. La cérémonie faite, il les envoya rejoindre à sa deïra, dans le Maroc, les survivans de ceux qui s’étaient si bien battus à Sidi-Brahim.

Le 28 septembre, le général de La Moricière, rendant compte au maréchal Soult de ce combat et de la part que les Marocains y avaient prise, ajoutait : « Quoiqu’il eût agi avec imprudence et transgressé les instructions qu’il avait reçues, le lieutenant-colonel de Montagnac n’en est pas moins mort victime d’une trahison flagrante et de la violation des traités. Vous jugerez, sans doute, qu’il est indispensable que M. le maréchal Bugeaud et M. le général Bedeau rentrent immédiatement en Algérie. Je ne dois pas vous dissimuler que la situation est fort grave. » Le même jour, il faisait embarquer à la hâte le commandant Rivet, qu’il dépêchait au maréchal Bugeaud, avec mission de réclamer et de presser son retour au plus vite.


VI

Assurément, la situation était fort grave. Indépendamment de Sidi-Brahim et d’Aïn-Temouchent, il y avait beaucoup d’autres affaires que le général de Martimprey, dans ses mémoires, a résumées en quelques lignes, d’un laconisme clair et saisissant.

« A Sebdou, le commandant Billot, attiré dans une embuscade, était massacré, avec le chef du bureau arabe et son escorte, par les Ouled-Ouriach. Nos ponts sur l’Isser et la Tafna étaient brûlés. Les Beni-Amer, après avoir incendié leurs moissons et même les herbes sèches, fuyaient au Maroc. Autour d’Oran, nos Douair et nos Sméla étaient eux-mêmes en fermentation. Les Djafra s’éloignaient de Daya, après avoir échoué dans leur tentative de tuer le