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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/899

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lui. Il ne peut agir et il ne peut parler. Il compte les heures ; son impatience est intolérable.

Cependant, le traité qui réglera les conditions de l’armistice entre l’Angleterre et la France n’attend pins, à Utrecht, que la signature des plénipotentiaires chargés d’y défendre les intérêts des deux nations[1]. Les clauses, rédigées en quatre articles, sont de la plus haute importance. Elles stipulent que les hostilités seront interrompues pendant deux et même quatre mois, si les circonstances l’exigent ; — que, dans cet intervalle, les renonciations de Philippe V et des princes français seront ratifiées solennellement par les pouvoirs du royaume) — que les lettres patentes consenties, en 1700, par Louis XIV au roi d’Espagne, pour maintenir ses droits à la couronne de France, seront rayées du registre du parlement, abolies et annulées, — que les troupes anglaises occuperont Dunkerque le jour même où commencera la suspension d’armes, et que ses fortifications, aussi bien que ses écluses, seront démolies ; — enfin que, pendant cette occupation, l’administration civile sera conservée aux autorités françaises et que le commerce maritime ne sera point interrompu. Louis XIV consent, sans murmure, à ces durs sacrifices, que d’inexorables nécessités imposent à sa haute raison. La suspension d’armes qui détachera, pendant quelques mois, l’Angleterre de la grande alliance, et qui conduira infailliblement à la conclusion d’une paix définitive, portera, suivant toute apparence, à la coalition, moralement et matériellement, un coup mortel, tandis que, si elle n’est point dissoute, la France, à bout de forces et de ressources, est irrémédiablement condamnée. Les irrésolutions de Philippe V tiennent donc en suspens la solution dont dépend uniquement et fatalement le salut de la monarchie française.

Enfin, on reçoit à Versailles et on expédie en Flandre, sans perdre une minute, la copie officielle de la proclamation qui a fait connaître au peuple espagnol la renonciation de son roi au trône de France. Cette proclamation, comme on l’a vu, portait la date du 8 juillet. Elle ne laissait aucun doute sur la résolution formelle de Philippe V. Dès le 17, en conséquence, le traité d’armistice est signé. L’évêque de Bristol se hâte d’en prévenir le congrès, après, toutefois, qu’une dépêche expédiée secrètement est partie pour l’armée. Libre de ses mouvemens, d’Ormond lève le masque. Le 18, les troupes anglaises abandonnent le camp des alliés, établi, en ce moment, dans les environs d’Avesnes, et prennent, à marches forcées, la direction de l’ouest. Quelques jours après, le pavillon britannique flottait à Gand, à Bruges

  1. La France était représentée à Utrecht par le maréchal d’Huxelles, l’abbé de Polignac et l’habile Ménager, le même qui avait négocié les préliminaires de Londres ; l’Angleterre, par le docteur Robinson, évêque de Bristol, et le comte de Strafford, ambassadeur à La Haye.