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aux captations chimériques’ : c’est encore l’éternelle, l’invariable logique des choses !

Eh ! sans doute, il faut bien en revenir là comme au point de départ, ou, si l’on veut, comme à une phase décisive de cette crise de la république, qui existe aujourd’hui, qui se manifeste sous toutes les formes et devient de plus en plus aiguë. Évidemment, il y a eu dans ces dernières années un moment où elle aurait pu être détournée ou atténuée, cette crise maintenant si grave qu’on n’en peut plus prévoir le dénoûment. Les élections de 1885 marquent le point décisif dans l’histoire de la république nouvelle. Si elles avaient laissé encore une majorité aux républicains maîtres du gouvernement, de l’administration, de toutes les positions, de tous les moyens d’influence, elles dévoilaient en même temps un travail profond, les progrès d’une puissante opposition conservatrice. Elles montraient tout au moins la France presque partagée en deux camps égaux. Elles étaient un avertissement sous la forme d’une manifestation pacifique de près de 4 millions de Français protestant contre une politique qui avait violenté leurs croyances, abusé des finances publiques et du crédit de la France, engagé les forces du pays dans des entreprises lointaines, tout exploité et tout compromis. C’était d’une frappante évidence. Des esprits sensés, à demi prévoyans, n’auraient point hésité ; ils se seraient dit que, décidément, la politique qu’ils avaient suivie jusque-là n’avait pas réussi, qu’ils n’avaient pas le droit de dédaigner un mouvement d’opinion aussi significatif. C’était la sagesse la plus vulgaire. Au lieu d’ouvrir les yeux, cependant, les républicains, plus effrayés qu’éclairés par le scrutin révélateur, n’ont vu là qu’une raison de plus de s’obstiner dans la politique de parti ; plutôt que d’avouer qu’ils avaient pu se tromper, ils ont mieux aimé, sous prétexte de concentration républicaine, subir toutes les alliances révolutionnaires. Les radicaux, plus maîtres que les républicains prétendus modérés de la majorité, ont avoué cette arrogante pensée qu’il n’y avait pas à tenir compte de 3 millions 1/2 d’électeurs, qu’il n’y avait qu’à les mettre, sans façon, hors la loi. Ils ont imaginé cette hâblerie que, si on avait échoué aux élections, c’était parce que la politique n’avait pas été assez radicale. De sorte qu’au moment où une partie considérable du pays venait de se prononcer dans un sens conservateur, c’est le radicalisme qui a triomphé, qui est devenu le gouvernement. Tout est là, tout découle de cette situation à la fois fausse et violente.

Qu’en est-il résulté, en effet ? On est tombé dans une crise réellement sans issue. S’il y a eu un moment des essais de transaction entre les instincts conservateurs et ceux qui rêvent encore une république modérée, les ont échoué. Les scissions se sont envenimées e sont devenues peut-être irréparables. Le pays n’a pas cédé : il l’a montré, il le montre chaque jour dans toutes ces élections qui se