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pas du choléra, elles n’en présentaient pas moins quelques-uns des symptômes de la maladie, tels que le refroidissement, l’inappétence, la tendance au sommeil. Seulement, ces troubles étaient fugitifs, et les oiseaux ne tardaient pas à revenir à leur état normal. En face de ces phénomènes, il était déjà permis de soupçonner que, dans cette maladie au moins, les symptômes généraux observés chez les oiseaux atteints étaient causés par certains produits toxiques, élaborés par les microbes dans le sang des poules malades, comme ils l’étaient certainement dans les bouillons de culture.

Comment se propageait la maladie, comment les microbes dangereux pénétraient-ils dans l’organisme des volailles ? Fidèle à sa méthode, c’est sur ce point que M. Pasteur porta ensuite ses investigations. Si au lieu d’inoculer les oiseaux par injection de liquide virulent sous la peau ou dans le sang, on injecte la culture directement dans le canal intestinal, on provoque alors un flux abondant de liquide, qui se montre très riche en microbes caractéristiques. Or, c’est ce liquide intestinal qui se répand sur le sol des poulaillers, sur le fumier, qui souille les grains dont les volailles font leur nourriture, et il devait être évidemment regardé comme étant la source d’infection qui répand l’épizootie. Peut-être l’histoire du microbe du choléra des poules se fût-elle arrêtée là, si M. Pasteur n’avait eu la curiosité d’inoculer ses cultures à toute une série d’animaux. Or, chez le cochon d’Inde, entre autres, le seul phénomène produit par l’inoculation est un trouble purement local ; c’est un abcès qui s’ouvre et guérit spontanément ; mais vient-on à inoculer du pus des abcès ainsi formés à des poules, ou même à des lapins, qu’on voit ces animaux succomber avec les symptômes bien caractérisés du choléra des volailles. Ainsi était prouvée cette influence, vraiment considérable, de la nature du terrain sur le degré de nocuité ou de virulence d’un même microbe, mortel pour telle espèce animale, à peine dangereux pour telle autre, absolument sans action chez une troisième.

Mais la nature du terrain de culture n’est pas la seule condition modificatrice des propriétés des microbes. Dès ses premières études sur les fermentations, M. Pasteur avait établi, en distinguant les microbes en aérobies et en anaérobies, que les uns s’accommodaient bien de l’oxygène de l’air, tandis que d’autres, pour qui cet oxygène libre paraît être un poison, ne pouvaient supporter que les quantités de ce gaz qu’ils empruntaient, au fur et à mesure de leurs besoins, à des substances qui leur servent d’aliment. Précisément le microbe du choléra des poules, tout en étant aérobie, est cependant de ceux dont la vitalité est paralysée de plus en plus par une influence prolongée de l’oxygène. Ainsi, en inoculant à des poules des cultures qui dataient de quinze jours, d’un mois, de deux mois, de huit