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température nécessaire au développement actif du microbe du charbon. La connaissance de ce fait fut d’ailleurs l’origine d’une découverte bien intéressante. L’action de la chaleur sur l’activité de la bactéridie devait, en effet, conduire M. Pasteur à trouver un nouveau mode d’atténuation des virus.

Nous avons dit comment M. Pasteur, dans le cours de ses recherches sur le microbe du choléra des poules, avait remarqué que l’action prolongée de l’oxygène de l’air, en présence duquel les cultures s’effectuent, en affaiblit la virulence. Mais quand il voulait appliquer ce procédé d’atténuation aux cultures du microbe du charbon, une grande difficulté se présenta, par le fait de la production des spores, qui sont extrêmement résistantes et dont ni le vieillissement ni l’action de l’oxygène de l’air, même très prolongée, ne modifient la vitalité et la virulence. Ainsi Paul Bert avait pu soumettre du sang charbonneux à de très hautes tensions d’oxygène sans en détruire la virulence, et il en avait même conclu, à tort, que le charbon ne pouvait être causé par un organe vivant.

MM. Pasteur, Chamberland et Roux tournèrent précisément cette difficulté, en cultivant le microbe du charbon à une température élevée, qui lui enlève une partie de son activité, et qui lui ôte, en outre, la propriété de former des spores : à 45 degrés, dans le bouillon de veau, la bactéridie ne se cultive plus ; de 42 à 43 degrés, elle se cultive abondamment, au contraire ; mais, à cette température, les spores ne se forment plus. En conséquence, on pouvait maintenir au contact de l’air pur, entre 42 et 43 degrés, une culture de bactéridies entièrement privée de germes. Alors apparaissaient les très remarquables résultats suivans : après un mois d’attente environ, la culture était morte. La veille ou l’avant-veille du jour où se manifestait cette impossibilité du développement, et tous les jours précédens, dans l’intervalle d’un mois, la reproduction de la culture était, au contraire, facile. Mais on constatait, en outre, ce fait extraordinaire que la bactéridie était déjà dépourvue de virulence après avoir subi pendant huit jours cette température de 42 à 43 degrés ; au moins, les cultures étaient-elles inoffensives pour le cobaye, le lapin et le mouton, trois des espèces animales les plus aptes à contracter le charbon. On était donc en possession, non pas seulement de l’atténuation de la virulence, mais de sa suppression en apparence complète, par un simple artifice de culture. De plus, on avait la possibilité de conserver et de cultiver, à cet état inoffensif, le terrible microbe. Que se produisait-il, en effet, dans ces huit premiers jours, par cette température de 43 degrés, qui suffisait à priver la bactéridie de toute virulence ? Avant l’extinction de sa virulence, le microbe du charbon passait par des degrés divers d’atténuation, et, comme pour le microbe du choléra des poules, chacun