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cherché une sortie à effet. » J’en suis fâché pour les ennemis de lord Randolph, mais j’ai peur que leurs médisances ne tiennent pas une grande place dans l’histoire. Les difficultés qui l’ont fait échouer, ce sont eux qui les ont créées, qui les ont grossies, qui les ont accumulées sur sa route. Un peu de bonne volonté et le fiasco était un triomphe.

Tombé du pouvoir, lord Randolph Churchill demanda une enquête parlementaire sur l’administration des finances. On lui promit de nommer une commission ; puis on ajourna, on éluda, on tergiversa, si bien que le ministre démissionnaire se décidait, le 3 juin 1887, à faire devant les électeurs de Wolverhampton, et, par conséquent, devant le pays, l’exposé des motifs qui avaient amené sa retraite. Il donna à lord Wolseley le plus catégorique et le moins gracieux des démentis. Il mit en regard, par le plus inquiétant des contrastes, l’énormité des sommes dépensées et la ridicule pauvreté des résultats. De ce jour date l’agitation, ou plutôt la panique, à laquelle nous assistons. Par son exagération même, elle prouve quel retentissement profond et prolongé ont dans le public les paroles du jeune lord.


IV

Les attributions de lord Randolph Churchill ont été partagées. On a donné l’échiquier à M. Goschen, qui connaît la tenue des livres et manie élégamment les chiffres. La direction des débats a passé à M. Smith, parleur facile, esprit souple, modéré, fécond en ressources. Sans vouloir offenser cet habile homme, j’oserai dire que, pour le moment, le véritable leader du parti conservateur dans la chambre des communes, c’est un radical, M. Chamberlain. N’est-ce pas pour complaire au député de Birmingham, pour conserver son alliance et les quelques voix qu’il entraîne à sa suite, que le parti tory s’est résigné aux deux mauvaises lois qui représenteront le triste bilan législatif de 1888 ?

La première de ces lois est une fausse réforme de la chambre des lords, mesure ambiguë, hypocrite, dangereuse pourtant, dans sa timidité et dans sa mesquinerie, à cause des principes qu’elle introduit. Dorénavant, la haute assemblée pourra expulser de son sein les membres indignes ; nul ne saurait dire comment elle se servira de ce droit et si, dans les mauvais jours, elle n’en usera pas tyranniquement. Le gouvernement reçoit la faculté de fabriquer des pairs à vie : moyen facile de créer des majorités factices. Chaque fois qu’il se livrera à des infusions de pairie viagère dans la noble assemblée, il en diminuera la force et le prestige. Quel crédit