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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/284

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signé les actes, et vous les recevrez avec cette lettre, par un courrier que le marquis de Monteleon dépêche à Madrid[1]. »

Cette admission n’était qu’une simple formalité et ne pouvait soulever aucun obstacle, puisque les actes, constatant la renonciation des princes français au trône d’Espagne, avaient été rédigés primitivement, ainsi qu’on l’a vu, par une junte officielle. Il est vrai que l’ombrageuse intervention du gouvernement britannique en avait amendé quelque peu le texte. Mais les modifications que les ministres de la reine y avaient introduites, sur les avis de l’université d’Oxford, pour en faire disparaître toute ambiguïté, pour en accroître la force, ne pouvaient déplaire aux Espagnols, qui respectaient sincèrement leur jeune souverain et chérissaient ses enfans, tout en détestant, du fond de leur cœur, la maison de France. Après avoir été approuvées par Philippe V, les renonciations de son frère et de son cousin à la couronne d’Espagne furent enregistrées, sans aucune objection par les cortès, dans les derniers jours de décembre.


XI

Tout ce qui pouvait établir, affirmer, confirmer la volonté libre, expresse, absolue du roi Philippe V, de renoncer, pour lui et ses descendans, au trône de son aïeul, tout ce qui pouvait écarter les soupçons, supprimer les malentendus, dissiper les équivoques, quelque impossibles qu’elles pussent paraître, prévenir les moins redoutables et les moins probables des éventualités, enchaîner à jamais la France, et l’Espagne, par la plus inviolable des obligations, figure surabondamment dans l’acte officiel qui fut approuvé, par les cortès d’Espagne, le 5 novembre 1712. On n’a jamais vu, dans aucun document, un tel luxe de prévoyance, une telle accumulation, une telle répétition d’affirmations solennelles et minutieuses. La méfiance des Anglais s’était montrée vraiment prodigue, et elle n’avait pas eu beaucoup plus de ménagement pour le duc de Berry ou le duc d’Orléans que pour Philippe. Reproduire ici, dans toute leur étendue, le texte des trois renonciations, qui ne comprend pas moins de trente-cinq pages imprimées, serait décidément impossible, sans imposer au lecteur consciencieux un ennui profond. Il nous pardonnera l’obligation où nous sommes, pour ne pas trahir sa confiance en lui présentant une étude incomplète, de recommander à sa patiente attention les passages suivans :

  1. Monteleon devait être le second plénipotentiaire de roi d’Espagne à Utrecht.