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Tournai et gardera, en toute propriété, une partie de la haute Gueldre ; — la France et l’Espagne reconnaissent la dignité royale conférée par l’empereur, en 1701, à l’électeur de Brandebourg, auquel on abandonne une partie notable de la haute Gueldre, ainsi que des principautés de Neufchâtel et de Valengin ; — Victor-Amédée devient roi de Sicile ; ses barrières sont fortifiées, on lui restitue Nice et la Savoie, on lui garantit la possession des territoires que l’empereur Joseph lui a cédés en Italie, ainsi que la succession d’Espagne si la dynastie de Philippe vient à s’éteindre.

En retour, les puissances signataires reconnaissent Philippe V comme roi d’Espagne, — la Catalogne sera évacuée par les troupes impériales ; — les hostilités seront suspendues en Italie ; — la Hollande nous restitue Lille, Aire, Béthune et Saint-Venant ; — elle accorde qu’une seigneurie, d’un revenu de 30,000 écus environ, soit réservée dans le Luxembourg ou le Limbourg à la princesse des Ursins, qui la possédera en toute souveraineté, suivant le désir de Philippe V ; — la Prusse abandonne toute prétention sur la principauté d’Orange aussi bien que sur les seigneuries de Châlon et de Castel-Bélin en Franche-Comté ; — elle promet, si la guerre continue entre la France et l’Allemagne, de ne fournir à l’empereur que son contingent strictement obligatoire.

Médiocres avantages, si l’on excepte toutefois la reconnaissance formelle de la souveraineté légitime du roi d’Espagne, obtenus au prix d’immenses sacrifices ! Mais, si l’on n’a point oublié les infortunes lamentables des années précédentes, les impitoyables exigences de la coalition et les concessions douloureuses de Louis XIV, « si l’on compare la paix d’Utrecht, écrit judicieusement le neveu de Colbert à la fin de ses curieux mémoires, avec les préliminaires proposés par le pensionnaire Heinsius en 1709, suivis des demandes encore plus dures que les députés des États-généraux firent dans les conférences tenues à Gertruydemberg en 1710 ; si le souvenir n’est pas effacé de l’état où se trouvait le royaume dans les années 1708, 1709 et 1710, et si l’on rappelle les fatales batailles d’Hochstett en 1704, de Ramillies et de Turin en 1706, la journée d’Oudenarde en 1708, celle de Malplaquet en 1709, tant de disgrâces suivies de la perte de places importantes ; — ces malheureuses époques ne prouveront que trop le peu que cette paix coûta à la France ! »

Seul, l’empereur Charles VI n’est pas satisfait. Il consent à l’évacuation de la Catalogne, il adhère à la neutralité de l’Italie, parce qu’il croit y trouver des avantages personnels ; mais il maintient toutes ses prétentions sur l’Espagne ; il dénonce en termes amers et violens, à toute l’Europe, la défection indigne de ses alliés. Le