gouvernement du roi, je ne refuserai pas une position éminente où je puis servir activement mon pays. Je ne me fais aucune illusion sur les obstacles qui hérissent la question, sur les attaques dont je serai l’objet, sur les déceptions qui m’attendent ; mais j’apporterai à l’accomplissement de mes devoirs une entière abnégation personnelle et un dévoûment de tous les instans. Je conserverai précieusement le souvenir de tout ce que je vous ai vu faire d’utile et de grand sur cette terre d’Afrique, et je ferai tous mes efforts pour y suivre vos traces et y continuer votre œuvre. »
Le maréchal Bugeaud répondit au prince : « vous n’êtes point séduit par le brillant du commandement ; vous en connaissez dès longtemps tous les écueils ; vous avez mesuré les difficultés, vous avez prévu la critique et même la calomnie, et cependant vous bravez tout cela pour servir la France et obéir à votre père. Cette noble conduite serait une critique de la mienne, si je n’avais payé mon tribut pendant six ans et demi, et surtout si je n’avais pas eu l’espoir qu’en me retirant je servirais mieux les intérêts de l’Algérie qu’en restant au poste qui m’avait été confié. Déjà mes prévisions se réalisent, puisqu’on vous destine ma succession. Vous voulez, dites-vous, marcher sur mes traces : moi, je veux que vous les élargissiez, et je serai bien heureux si vous faites mieux que moi ; je ne serai pas le dernier à le proclamer. »
Le duc d’Aumale fut nommé gouverneur-général de l’Algérie par ordonnance du 11 septembre. Quand le canot de la frégate à vapeur Labrador l’amena, le 5 octobre, au débarcadère d’Alger, la population lui fit un accueil enthousiaste. Le lendemain, il adressa aux troupes cet ordre du jour : « En prenant le commandement de l’armée d’Afrique, le gouverneur-général de l’Algérie croit devoir témoigner à tous les officiers, sous-officiers et soldats qui la composent, combien il est fier de se trouver à leur tête. Appelé déjà cinq fois à l’honneur de servir dans leurs rangs, il sait depuis longtemps ce qu’on peut attendre de leur dévoûment au roi et à la France. Confiant dans leur courage, confiant dans le mérite éprouvé de valeureux généraux, il ne doute pas que le succès ne continue de couronner tant de nobles efforts. L’armée qui vient d’accomplir tant de grandes choses a salué d’universels regrets l’illustre chef à qui elle doit tant de gloire et sous les ordres duquel j’aurais tant aimé à me retrouver encore. Qu’il reçoive ici la nouvelle expression du bien vif et bien reconnaissant souvenir que lui conservera toujours l’armée d’Afrique. »
Le duc d’Aumale avait amené avec lui le général Changarnier, qui prit le commandement de la division d’Alger ; La Moricière et Bedeau continuèrent de commander, le premier la division d’Oran, le second la division de Constantine. L’un et l’autre étaient venus