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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/612

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rigoureux : la neige leur sera familière, les sentiers les plus escarpés ne les étonneront point, on les nourrira facilement. L’Alaï leur aura donné un avant-goût du Pamir, en quelque sorte. Nous les achèterons à Osch, où on nous les amènera des aouls voisins. D’Osch au Taldik, nous verrons quels sont ceux dont la vigueur laisse à désirer, et nous pourrons les échanger au dernier moment ou les remplacer.

Ensuite nous nous armerons contre le froid et la faim. A Marguilane, nous achèterons les objets « civilisés, » et ceux que nous ne trouverons pas dans les magasins, nous les demanderons à Tachkent.

Certaines parties du Pamir sont inhabitables par suite de l’excessive froidure, et le combustible manque. Nous aurons une température sibérienne, polaire. En Sibérie, on chausse des bottes de feutre par-dessus les souliers ; nous en faisons faire en feutre double, garnis de semelles de cuir, les coutures sont consolidées par des bandes de peau ; dans le feutre souple et léger de Kachgar on nous taille des bas immenses couvrant la cuisse ; un pantalon ouaté à la mode kirghize, par-dessus lequel on passera un tchalvar (pantalon de cuir), préservant en outre les jambes. Autour des pieds on entortillera des bandes de laine. Certaines personnes nous conseillent le papier : des vieux journaux.

Pour le haut du corps, deux pelisses, dont une en mouton de Kachgar à poils très longs, ajustée comme le bechmet des indigènes. Pour la tête, un bonnet de peau de mouton couvrant les oreilles, et dessus un malakaï, sorte de pèlerine en peau de mouton descendant derrière sur les épaules, et qu’on peut fermer devant, de manière à couvrir totalement le visage, sauf les yeux, qui a regardent » à travers les poils. Les mains ont, en guise de gants, les longues manches serrées à l’extrémité de la pelisse très ample tombant jusque sur les talons, et qui s’appelle touloup. Si nous avons froid dans cet accoutrement, c’est qu’il fera… très froid.

Pour la nuit, nous avons, en outre d’épaisses couvertures ouatées du pays, des couvertures de laine très serrée d’Europe contre le vent, et des peaux, comme matelas, sur le feutre qui servira de parquet.

Notre maison sera notre tente-abri double qui nous sert depuis le commencement du voyage ; on peut y dormir cinq,.. à la rigueur. Trois personnes y sont relativement à l’aise. Pour cette tente, nous ferons faire des piquets en fer et en bois. Nos serviteurs Rachmed et Menas ne veulent point de tente pour eux ; ils en organiseront une chaque soir avec les bagages, les feutres et les