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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/650

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Il est des puits qui ne perdent que peu à peu leur richesse, même après une longue série d’années d’exploitation ; d’autres ne fournissent plus que la moitié du rendement primitif au bout d’une année ; toutefois, M. Schneider est d’avis qu’en général les sources de Bakou conservent leur productivité plus longtemps que celles des États-Unis.

La distillation du naphte eut à lutter à Bakou avec de nombreuses difficultés, car la contrée est dépourvue de toute végétation arborescente ou frutescente, et les gîtes de charbon de terre ne se trouvent qu’à une distance considérable. D’ailleurs, il y a une trentaine d’années, la navigation à vapeur n’existait pas encore sur la Caspienne. Malgré tous ces obstacles, une distillerie fut établie en 1859 à Sarachane, qui, au bout de trois années, fournissait déjà 1,638,000 kilogrammes d’huile d’éclairage (kérosène), et les progrès furent tellement rapides, que, nonobstant les droits dont le gouvernement grevait les opérations de distillation, elles produisirent, en 1881, 183 millions de kilogrammes de kérosène, ce qui, dans l’espace de trente-deux années, donne une augmentation au centuple ; aussi, en 1881, l’importation en Russie du pétrole américain annonce une baisse notable, tandis qu’en 1883 l’exportation donne à la Russie un excédent de 2 milliards de kilogrammes.

À la distillation du naphte, il se dépose dans l’alambic une substance lourde, de teinte noire, que les Russes appellent ostalki (restes, résidus) et les Tatars masul. Or, comme ces résidus constituent environ 60 pour 100 de l’huile minérale, les fabriques de Tchernogorod et de Sarachane en fournissaient d’immenses quantités dont le poud (16 kilogr. 38) se vendait au prix minime d’environ 20 centimes. Heureusement l’ingénieur Lenz trouva moyen d’utiliser cette substance, qui était devenue non-seulement presque inutile, mais encore une cause d’encombrement fâcheux. Grâce à l’habile chimiste, ce résidu a pu être employé au chauffage des bateaux à vapeur, ce qui rendit un grand service à la navigation de la Caspienne, qui d’abord n’eut d’autre combustible que le bois de Saxaul, ou le charbon de terre anglais fort dispendieux. Aussi, aujourd’hui, les bateaux de la Caspienne ne se servent que de ce nouveau genre de combustible, beaucoup plus avantageux que le charbon de terre, car non-seulement il revient à bien meilleur marché et donne tout autant de chaleur, mais encore il occupe moins de place dans le vaisseau et ne cause aucune malpropreté.

Deux autres obstacles sérieux qu’a eus à combattre l’industrie de Bakou, c’est d’abord la difficulté de se procurer à des prix convenables des tonneaux pour le transport du naphte, ce qui tient au défaut de végétation arborescente que j’ai déjà mentionné ; l’autre