trop simples : des grotesques, à peine différens de ceux qui sont la joie, dit-on, du répertoire de feu Labiche ; et quelquefois des brutes. Flaubert, avec son mépris peu philosophique, ou même étroit de l’humanité, lui avait-il enseigné peut-être une psychologie trop sommaire ? ou bien, comme tous les jeunes gens, aimait-il à faire étalage de ce dédain des conventions et de cette haine des « préjugés » qu’entre dix-huit ou vingt-cinq ans nous avons confondue presque tous avec l’indépendance et la largeur d’esprit ? Car, il y a de sots préjugés, il y en a même de cruels ; mais il y a des conventions utiles, il y en a de nécessaires ; et bien souvent, à M. de Maupassant comme à d’autres, c’est ce que nous avons pris ici même la liberté de rappeler. Il y a d’autre part un comique bas, — c’est celui du vaudeville, — qui diffère à peu près autant du vrai comique, du comique de caractère, de nature et de fond, si je puis ainsi dire, que le mélodrame diffère de la vraie tragédie.
Mais dans ses dernières nouvelles et dans ses derniers romans, si M. de Maupassant n’a pas renoncé à ce droit de tout dire et de tout montrer, qui est en somma le droit ou la raison d’être du peintre de la vie contemporaine, il a singulièrement atténué ce que sa première manière avait de dur et presque d’inhumain. En même temps, il élargissait, il enrichissait le champ de son observation et de son expérience ; et, en étudiant de plus près des personnages plus divers et plus complexes, ou en s’intéressant à des questions d’un ordre plus général, il agrandissait sa conception de la vie. Les sujets qu’il aime à traiter aujourd’hui peuvent bien quelquefois se ressentir encore de ceux qu’il aimait jadis à traiter ; il y en a même qu’à sa place, après les avoir écrits pour le journal, je me passerais bien de réunir en volume ; mais, tous ou presque tous, ils ont, comme la Petite Roque, comme Mademoiselle Perle, comme Monsieur Parent, ce que n’avaient pas Boule de Suif ou l’Héritage, une signification ou une portée réelles. Ceci suffit, à la rigueur, pour faire tout passer.
Sans doute il reste naturaliste, si l’on veut bien entendre par là que nous n’avons pas de descripteur plus exact en moins de mots, ni de peintre plus vivant de la réalité. Un peu longues encore dans ses romans, à l’exception toutefois de Mont-Oriol et de Pierre et Jean, ses descriptions, dans ses Nouvelles, sont naturellement plus courtes et d’autant plus précises. Il excelle à bien voir, à voir avec ses yeux, et non pas avec son imagination ou à travers les livres. Il ne met rien de plus dans ses personnages que ce qui est nécessaire, comme l’on dit, pour les « camper, » et c’est peu de chose quelquefois, mais ce peu de chose lui suffit pour nous en faire avouer la ressemblance entière. M. Daudet donne aux siens un tic ou une manie ; il leur attache une épithète ; c’est « la nommée Delobelle ; » c’est « Jack (par un k) ; »