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réunion de l’assemblée nationale, et la révolution respecta la division monarchique en débaptisant seulement quelques emplois : le chancelier devint ministre de la justice, le contrôleur-général des finances ministre des contributions publiques, le secrétaire d’état de la maison du roi ministre de l’intérieur. Cependant ces révolutionnaires étaient grands paperassiers ; les ministères de la Convention exhalent un parfum bureaucratique beaucoup plus accentué que ceux de Louis XVI. La république sentit en naissant, plus encore que la monarchie vieillissante, le besoin de faire passer la vie de la nation à travers ses cartons, de lui tâter le pouls dans des dossiers. L’empire enchérit encore ; avec lui, l’administration devint non-seulement plus centralisée, mais plus détaillée et plus inquisitive ; elle régla plus d’actions et des actions plus petites, elle s’établit davantage à côté et au-dessus de l’individu pour l’assister et au besoin pour le contraindre.

De 1793 jusqu’à nos jours, le département de l’intérieur est devenu à la fois plus grand et plus petit : plus grand comme personnel, comme budget, plus petit comme attributions ; l’outil est allé coûtant de plus en plus cher et servant de moins en moins, ayant d’autant plus d’apparence qu’il avait moins de réalité. Du sein fécond de ce ministère sont successivement sortis quatre portefeuilles : les travaux publics, le commerce, l’agriculture, les cultes et l’instruction publique (sans parler des postes et messageries), qui, sous le Directoire, n’étaient que de simples divisions subordonnées à l’estimable et chimérique François (de Neufchâteau). Napoléon Ier, en dédoublant les finances et la guerre, en extrayant de l’intérieur trois nouveaux ministres : celui des cultes, celui de la police générale, et bientôt après le grand-maître de l’Université, avait presque doublé le nombre des membres du cabinet. Le ministère de l’intérieur, ainsi réduit (1810), comptait pourtant deux divisions de plus qu’auparavant.

La Restauration, à son début, revint au système du consulat, et se contenta de six portefeuilles, la grande charge de cour de qui dépendait la maison du roi avec les théâtres subventionnés et le garde-meuble ne pouvant être considérée comme un ministère effectif. Mais on jugera quels progrès immenses la centralisation avait faits en un quart de siècle, quand on saura qu’au lieu des cinq divisions de 1795, sous Louis XVIII, il en existait douze, comprenant cinquante-deux bureaux. Sous Charles X, l’intérieur perdit l’instruction publique et les cultes ; sous Louis-Philippe, il se dépouilla du commerce, de l’agriculture et des travaux publics ; sous Napoléon III, on lui enleva les beaux-arts ; sous la troisième république, les télégraphes lui furent retirés ; et aujourd’hui, qu’il n’a pas plus du quart de ses anciens services de 1820, son administration coûte