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encore le même prix ; en d’autres termes, ce qui exigeait il y a soixante-dix ans une dépense annuelle de 1,700,000 fr., monte aujourd’hui à 6,500,000 fr. environ, déduction faite naturellement aux deux époques du service des postes et télégraphes. Quel que soit par conséquent le nombre des bureaux et des directions, qu’on les éparpille ou qu’on les réunisse, comme on ne cesse de le faire tous les cinq ou six ans, — l’organisation actuelle, qui date de 1886, est la troisième depuis 1871, — le mécanisme n’en est pas plus simplifié que la dépense n’en est diminuée : les cinq divisions de 1795, portées, comme je viens de le dire, à douze en 1820, sont maintenant au nombre de trente-six ; quant aux bureaux, déjà passés en 1820 au chiffre colossal de cinquante-deux, ils atteignent aujourd’hui le chiffre purement vertigineux de cent vingt-huit.

Notre système administratif, que nous nous figurons être partout en Europe un sujet d’universelle envie, n’est en somme imité nulle part. S’il était possible d’établir entre la France et les pays qui l’avoisinent une complète assimilation, en tenant compte de l’étendue du territoire et du chiffre de la population, on reconnaîtrait que les services qui composent aujourd’hui notre ministère de l’intérieur fonctionnent ailleurs à bien meilleur marché que chez nous : les prisons qui, dans le royaume de Prusse (27 millions d’habitans), coûtent 9 millions 1/2, reviennent en France à 24 millions. L’administration centrale de l’intérieur, à Berlin, occupe, d’après le dernier budget, cent personnes ; elle en compte à Paris trois cent quarante-trois ; celle de Berlin coûte 450,000 francs, celle de Paris en coûte 1,600,000. En continuant le parallèle, on verrait qu’il y a à Berlin un seul directeur touchant 18,000 francs, et qu’à Paris il y en a cinq touchant 20,000 francs chacun.

Nos employés subalternes se divisent en trois catégories : ceux qui n’ont rien ou presque rien à faire, ceux qui font des choses qu’on pourrait ne plus faire à Paris, mais laisser aux préfets dans les départemens, ou abandonner complètement ; enfin, ceux qui traitent les affaires difficiles, dignes de l’état, les seuls à conserver. Par ministère, on devrait entendre non pas une fourmilière de gens, la plupart mal payés, soupirant après une problématique augmentation de 300 francs, exerçant pour vivre dix autres métiers que le leur, se faisant professeurs de langues, journalistes, peintres-dessinateurs, copistes, auteurs dramatiques, secrétaires de députés, porteurs d’invitations à domicile, et ne fournissant guère à l’état plus de deux heures par jour de ce qu’on peut appeler du travail, mais bien un homme de mérite et d’expérience, connaissant la branche administrative que le pays le charge de surveiller, et qui, entouré d’une vingtaine de secrétaires, directeurs, chefs de