l’auguste correspondant, au lieu de féliciter Louis-Napoléon, lui annonçait que son titre serait contesté. S’engager, avant que ce point délicat fût réglé, dans une correspondance intime, n’était-ce pas risquer d’en altérer le caractère, d’en compromettre le premier avantage, en y laissant pénétrer un débat plein d’inconvéniens et de dangers ? — C’est à regret et par ce seul motif, alléguait notre ministre, que l’empereur, résistant à l’inspiration de son cœur pour obéir aux conseils de sa raison, avait cru devoir ajourner sa réponse à une lettre adressée, d’ailleurs, au président de la république, « Le chancelier, écrivait M. de Caslelbajac, m’a écouté d’un air embarrassé et triste, qui m’autorise à craindre que les choses ne seront pas réglées à notre gré. »
Les explications du ministre de France, bien que plausibles, n’étaient pas, en effet, de nature à calmer les susceptibilités d’un souverain qui n’admettait ni retards ni résistances. Le tsar donna libre cours à son mécontentement dans la réponse de son cabinet à la notification du gouvernement français.
« En reconnaissant dans l’empire en France le nouveau souverain qui vient de s’y installer, disait avec humeur M. de Nesselrode, dans une forme incisive, disgracieuse, mon auguste maître ne saurait pourtant pas ne pas articuler une réserve à l’égard du chiffre dynastique adopté par ce souverain. Le nom seul de Napoléon III soulève une question d’histoire et de principe sur laquelle la France et l’Europe ne sauraient être d’accord. Les puissances européennes n’ayant à aucune époque reconnu de droit ni de fait Napoléon II, elles ne sauraient aujourd’hui le faire implicitement sans se démentir elles-mêmes ; aussi voudrez-vous bien déclarer à votre gouvernement que, sans méconnaître la souveraineté personnelle de Sa Majesté l’empereur des Français, il nous sera impossible de lui donner dans nos actes la dénomination de Napoléon III.
« Il dépend du gouvernement français de ne pas insister sur ce point plus que nous n’insistons nous-mêmes. Nous n’avons pas la prétention de lui faire adopter chez lui notre point de vue historique ; qu’à son tour il n’ait pas celle de nous imposer chez nous le sien. Dans le passé, comme au futur, la question d’histoire et d’hérédité nous paraît surérogatoire. Au temps seul il appartiendra de la décider. Ne voulant ni désavouer leur passé, ni engager leur avenir dans une époque soumise à tant de vicissitudes, les puissances s’en tiennent au présent, et c’est parce qu’elles peuvent y trouver des garanties satisfaisantes qu’elles l’acceptent franchement, pleines de confiance dans la sagesse et la modération du prince à qui sont commises depuis quatre ans les destinées de la France. »