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Or est-il vraisemblable qu’un propriétaire dont la récolte pouvait n’être que de 500 mesures et le revenu brut de 2,000 à 1,500 drachmes, ait été condamné à en abandonner une fois 4,000 à l’état ? Mais alors, dira-t-on, pourquoi cette création de classes censitaires ? J’imagine qu’elle avait surtout pour but de faciliter la fixation du capital imposable. C’eût été une opération fort compliquée que de faire un pareil travail pour chaque contribuable isolement. On simplifia les choses, en décidant que les fortunes d’un talent et au-dessus seraient taxées dans leur totalité ; que, de 1 talent à 3,600 drachmes, on en taxerait les cinq sixièmes, et de 3,600 drachmes à 1,800, les cinq neuvièmes. Quant aux thètes, on leur accorda une entière immunité. On devine sans peine les argumens qui furent invoqués en leur faveur. L’impôt sur le capital n’est équitable, et par conséquent tolérable, que s’il n’ôte pas à l’homme les moyens de vivre. De là vient que dans toute société où existe une taxe, soit sur la fortune, soit sur le revenu, on a soin d’épargner l’un ou l’autre, jusqu’à concurrence de la somme jugée indispensable à la vie. Cet usage n’est point propre aux états démocratiques ; il est de tous les temps et de tous les pays. A Zurich, tout revenu de 500 francs échappe à l’impôt. A Lucerne et à Schwyz, on dispense de la taxe « l’avoir total de tout particulier, quand il ne dépasse pas 1,000 fr. » A Glaris, ce chiffre est porté à 3,000 francs, et même, pour les veuves et les orphelins, à 10,000. En Angleterre, l’income-tax n’atteint que les revenus supérieurs à 3,750 francs. En Prusse, le nombre des personnes exonérées de l’impôt des classes, lequel est fondé sur le revenu, s’élève à 21 millions. A New-York, pour une population de 927,000 habitans en 1870, 20,000 payaient l’impôt sur le capital. En 1884, une loi a introduit dans le grand-duché de Bade l’impôt sur le revenu ; elle ne touche qu’aux revenus de 625 francs et au-dessus. Le point délicat, en ces matières, est de garder la mesure exacte qui sépare un dégrèvement d’une libéralité. Or, il semble qu’elle fût observée à Athènes. 1,800 drachmes, au taux ordinaire de 12 pour 100, équivalent à un revenu de 216 drachmes (211 fr.), et l’on avouera que c’était bien peu, même en Attique, pour un homme seul, à plus forte raison pour une famille. Au reste, les thètes rachetaient leur privilège fiscal par la perte de certains droits politiques.

L’écart entre le capital imposable et le capital réel de la seconde et de la troisième classe donnait à l’eisphora le caractère d’un impôt progressif. On a essayé pourtant de soutenir le contraire. On a dit que, si les cavaliers furent inscrits au cens pour 3,000 drachmes, au lieu de 3,600, et les zeugites pour 1,000, au lieu de 1,800, ce ne fut pas afin d’alléger leur fardeau normal, ce fut plutôt pour des raisons qui n’avaient rien de politique ni de financier. A Athènes,