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comme dans la plupart des états anciens, les charges militaires n’étaient pas égales pour tous. Les thètes ne servaient que dans l’infanterie légère et sur la flotte. La lourde infanterie des hoplites, qui constituait la principale force de l’armée, se recrutait exclusivement parmi les zeugites. Quant à la cavalerie, elle était réservée aux riches. Or, en 428, au moment où l’on établit l’eisphora, la guerre du Péloponnèse était dans tout son plein. On fut donc amené, lorsqu’on détermina le cens minimum de chaque classe, à tenir compte des intérêts de la défense nationale ; et, comme on voulait -qu’il y eût le plus d’hommes possible en situation de devenir soldats, on abaissa arbitrairement les chiffres qui marquaient, pour ainsi dire, l’étiage de l’infanterie et de la cavalerie. Cette conjecture de M. Beloch est assez singulière. Pourquoi les Athéniens auraient-ils pris un pareil détour ? N’était-il pas beaucoup plus naturel d’abaisser les chiffres qui indiquaient les revenus mêmes des classes, et de déclarer, par exemple, qu’un propriétaire à 100 mesures, et non pas à 150, serait zeugite ? L’écart que nous constatons a eu certainement pour cause le désir de soulager un peu les fortunes moyennes, et il ne faut pas s’en étonner, car les taxes analogues à l’eisphora se présentent presque toujours sous cet aspect. Je me contenterai de citer le grand-duché de Bade, où, en vertu d’une loi toute récente, le revenu imposable s’éloigne davantage du revenu réel, chaque fois qu’on descend d’un degré dans la hiérarchie sociale[1].

Des modifications sérieuses furent apportées à l’assiette de l’eisphora sous l’archontat de Nausinique, en 378-377. Un autre événement, très grave aussi, s’accomplit la même année : ce fut la formation de la ligue maritime, qui fut comme un retour passager à l’empire athénien du siècle précédent. Nul doute qu’il n’y ait une étroite connexité entre ces deux faits. Athènes voulut approprier ses ressources au rôle que paraissait lui présager la restauration de son ancienne hégémonie, et elle améliora ses finances en même temps qu’elle étendait son action extérieure.

Tout d’abord, les classes soloniennes disparurent. Ce n’est pas que les citoyens aient été désormais tous placés sur le même rang ; ils furent, comme auparavant, groupés en catégories ; mais le système de classement changea. En tête se trouvèrent ceux qu’on appela les plus riches, et qui furent un peu plus tard au nombre de 300 ; on ne sait pas quel était pour eux le chiffre exact du cens. Au-dessous venaient les individus qui étaient en état d’assumer certaines charges fort coûteuses, que l’on nommait les liturgies ; pour avoir accès parmi eux, il fallait posséder au moins 3 talens

  1. Bulletin de statistique du ministère des finances, mai 1886, p. 570.