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(17,682 fr.). Il y avait enfin la grande masse des citoyens, d’où se détachaient peut-être, en un dernier groupe, les pauvres qui n’avaient pas 2,000 drachmes (1,960 fr.) de capital. On remarquera qu’il ne reste plus là aucun vestige de l’époque où les distinctions sociales dépendaient de la possession du sol. Ces dénominations de zeugites, de cavaliers, de pentacosiomédimnes ont été abolies comme ne répondant plus à la réalité, et on n’a égard maintenant qu’à la richesse considérée dans son ensemble.

On continua de n’imposer qu’une partie de la fortune individuelle. Dans la haute classe, la proportion était du cinquième. Démosthène énonce comme un principe connu de tous que, dans ce cas, « une valeur imposable de 3 talens atteste un capital de 15 talens. » On a beaucoup discuté sur cette phrase ; on a mis tout en œuvre pour en tirer autre chose que ce qu’elle renferme ; mais les efforts tentés pour en dénaturer le sens, notamment ceux de M. Beloch, sont pitoyables, et il n’y a pas lieu de s’y arrêter. La seule difficulté qu’offre ce texte, c’est l’énormité de l’écart entre le capital imposable et le capital réel. D’ordinaire, une pareille réduction des quatre cinquièmes ne s’applique qu’aux classes inférieures, et, le plus souvent, les riches sont taxés pour l’intégralité de leur actif. L’anomalie tient à l’idée nouvelle que l’on se faisait au IVe siècle du capital imposable, ou, comme on disait, du timèma. Le timèma passait alors pour être toute la portion du capital que le citoyen mettait à la disposition de l’état. Dans la pratique, l’état n’en prenait qu’une petite fraction ; mais, théoriquement, il pouvait la prendre tout entière. En 378, on évalua la fortune publique de l’Attique ; on en déduisit tout ce qui devait être soustrait à l’impôt, et le reste, le timèma, donna le chiffre de 6,000 talens (35 millions). Ce fut là le capital imposable du pays, formé par l’addition des capitaux imposables de tous les citoyens. Or ces 6,000 talens étaient regardés comme la propriété de l’état. On les assimilait à la mise de fonds d’au banquier, et la comparaison eût été très inexacte, si l’état n’avait pas eu, au moins virtuellement, le droit d’y puiser à son gré. S’il en était ainsi, si le timèma était la part de toute fortune privée dont la société pouvait à tout moment exiger le complet sacrifice, il fallait que la marge fût assez grande entre la fortune et le timèma, même des riches ; car l’appauvrissement des particuliers est aussi nuisible à la société qu’aux particuliers eux-mêmes.

Un exemple, emprunté à l’histoire de Florence, fera mieux saisir ce procédé. Au XIVe siècle, il y avait dans cette ville une taxe dite l’estimo, et semblable à l’eisphora athénienne. Elle pesait sur la fortune de chaque citoyen, ou, selon l’expression consacrée, sur sa substance ; mais « on retranchait de cette substance les frais