Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur disant que, s’ils ont la mauvaise position, au moins leur reste t-il le beau rôle. Peut-être ferions-nous exactement de même, si le bénéfice de la poudre sans fumée, au lieu de nous être acquis, appartenait à une autre nation.


II.

Donc, l’instrument, nous l’avons. Reste à en tirer parti. C’est affaire de manœuvre et d’organisation. Il importe d’attribuer aux batteries dans les colonnes une place qui leur permette d’entrer rapidement en ligne : il n’importe pas moins d’assurer une prompte et certaine transmission des ordres. L’occupation de la position doit s’opérer simplement, sans que personne hésite tant soit peu, c’est-à-dire à l’aide d’un mécanisme de mouvemens bien réglé. Il faut enfin que le feu soit efficace, que les obus arrivent au point voulu, ou, puisqu’on ne peut se dispenser de tâtonner un peu, que chaque coup rapproche du but et serve à améliorer les résultats du coup suivant.

Ces tâtonnemens sont inévitables. Assurément on dispose d’appareils de hausse qu’on règle d’après la distance à laquelle on veut que le projectile arrive ; mais on ne peut obtenir ainsi qu’une certaine approximation. D’abord, on ne sait jamais au juste à combien d hectomètres on se trouve du but à atteindre, et ensuite, le sût-on exactement, la hausse correspondant à cette distance ne conviendrait qu’après plusieurs corrections. Suivant que le vent souffle plus ou moins fort, et d’avant ou d’arrière, suivant que la pièce est au-dessus de la pièce ou en contre-bas, suivant que le sol penche à gauche ou se déverse à droite, suivant que l’air traversé par l’obus est plus ou moins dense, selon que la pesanteur a plus ou moins d’action sur lui, c’est-à-dire que l’altitude de la batterie est plus ou moins considérable, il en résultera une altération de la trajectoire normale qui mettra dans la nécessité de modifier la hausse normale. Il y a plus : deux coups consécutifs, tirés dans les mêmes conditions apparentes, avec la même hausse, c’est-à-dire sous la même inclinaison, pointés exactement de la même façon, n’arriveront pas nécessairement au même point; des causes invisibles, mais non impondérables, ont pour effet d’influencer le tir. Les deux obus qu’on a lancés n’ont pas été pesés, à 1 milligramme près, au moment de leur fabrication. Depuis cette époque, on les a peints et repeints. La couche de peinture n’est pas aussi épaisse sur l’un que sur l’autre ; elle a pu s’écailler, tomber par endroits. Peut-être sur les parties dénudées s’est-il formé des taches de rouille et les cahots du transport ont-ils détaché quelques parcelles de métal oxydé. La poudre de la gargousse peut, elle aussi, avoir un poids moindre dans l’un