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III.

Les appréhensions que nous ressentons, d’autres que nous les éprouvent pour leur propre compte. Les aveux des Allemands à ce sujet Font de nature à nous consoler et à nous tranquilliser. Ils reconnaissent avec tristesse les défectuosités de leur organisation et l’insuffisance, à beaucoup d’égards, de leur préparation à la guerre. Un récent ouvrage, sans grande portée, d’ailleurs, et qui vaut plus par les tendances qu’il reflète que par sa valeur intrinsèque, contient précisément l’expression de regrets et de vœux qui indiquent l’état d’imperfection de l’artillerie, dans des passages caractéristiques. Ces doléances n’apprennent rien aux gens du métier ; ce seront peut-être des révélations pour le reste du public : « Lors de la mobilisation, dit le lieutenant-colonel anonyme qui est l’auteur de cette brochure (Die Artillerie der Zukunft), lors de la mobilisation, nos régimens de cavalerie n’ont à augmenter leurs effectifs en chevaux que de 6.5 pour 100. Pour les batteries, au contraire, cette augmentation est de 226 pour 100! Nous ne demanderons pourtant pas qu’on mette les deux armes dans les mêmes conditions, au point de vue des chevaux : ce serait aller trop loin ; mais il n’y a pas, entre ce qu’on exige de l’une et de l’autre, la différence énorme qui existe entre les chiffres que nous venons d’indiquer. Enfin, on ne nous en voudra pas d’appeler l’attention de nos lecteurs sur ce point que l’artillerie française a 10,000 chevaux, et au-delà, de plus que la nôtre. »

Ce n’est pas sur ce seul point que la comparaison soit à notre avantage. L’effectif en hommes, sur pied de paix, est, lui aussi, tout à fait insuffisant dans les batteries, au point que les anciens soldats, c’est-à-dire ceux qui ont plus d’un an de service, sont tous sans exception employés, soit comme cuisiniers, soit comme plantons, soit comme scribes, comme tailleurs, comme selliers, comme bottiers. Il faut pourtant bien parfaire l’instruction des pointeurs, les confirmer tout au moins par de fréquentes répétitions dans ce qu’ils ont appris pendant leur première année. Pour arriver à ce résultat, il a fallu recourir à un singulier expédient : « On a pris le parti de choisir les brosseurs des officiers parmi les bons pointeurs, afin de pouvoir, au moins à certaines heures de la journée, les exercer au pointage, ce qui ne serait pas possible s’ils avaient d’autres emplois spéciaux. Si la branche la plus importante de l’instruction, — la préparation des pointeurs, — En est là, il est permis de supposer qu’on ne sera guère mieux en état de perfectionner l’instruction d’ensemble des servans de deuxième et de troisième apnée. Et, en effet, il faut d’ordinaire que les canonniers