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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/136

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du vide ; le néant est tout ce qu’il y a au monde de plus contraire au désir de précision des gens qui ont à agir. Le scepticisme ne convient pas à des militaires.

Mais les instructions relatives à la tactique de l’artillerie ne sont pas ce que les armées étrangères peuvent nous envier le plus. Nous avons résolu d’une façon satisfaisante la question de la constitution des groupes d’artillerie. Dans l’Artillerie de l’avenir aussi bien que dans les Lettres sur l’artillerie, reviennent fréquemment les mêmes doléances : c’est de 3 batteries, et non de 4, que doit être composé le groupe ; ce n’est pas 4 batteries qu’il faut donner à la division d’infanterie, mais 6. Ni le prince de Hohenlohe, ni l’auteur de Die Artillerie der Zukunft n’ont été écoutés en leur pays. Mieux inspirés, nous avons suivi leurs conseils. Chacune de nos divisions d’infanterie est accompagnée de 36 bouches à feu et d’une colonne de munitions, tant pour les canons que pour les armes portatives. Un colonel est à la tête de cette force imposante ; il est secondé par deux chefs d’escadron dont chacun commande trois batteries, soit un ensemble de 18 pièces. La division est donc puissamment outillée ; c’est aujourd’hui une unité tactique respectable. On aurait pu lui donner plus de canons encore, en supprimant les « batteries de corps, » qui, ne relevant que du général en chef du corps d’armée, permettent à celui-ci d’intervenir dans la bataille, soit pour appuyer l’avant-garde, soit pour renforcer l’une ou l’autre de ses divisions, soit pour remplir un vide de la ligne, soit pour opérer une diversion ou un mouvement tournant. La multiplicité de ces rôles indique l’inconvénient que présenterait cette suppression de l’artillerie de corps ; elle est le balancier dont se sert le commandement supérieur pour équilibrer ses moyens d’action ou pour donner à l’un d’eux la prépondérance. Lorsque, pendant la guerre de 1870, le général en chef de la garde prussienne recevait un rapport qui le forçait à monter à cheval, il s’écriait invariablement : « Qu’on aille me chercher mes bottes et qu’on m’amena l’artillerie de corps ! » l’entrée en jeu de ces batteries annonçait que l’action allait être énergique ; aussi, dit le prince de Hohenlohe, dans les parties de whist que les longues soirées de l’investissement de Paris nous ont laissé le temps de faire, avions-nous pris l’habitude de dire d’un joueur qui « y allait » de son atout : « Il met en batterie l’artillerie de corps. » Ce sont là des plaisanteries, mais elles sont topiques et caractérisent la situation, ajoute le narrateur. Il continue ainsi :


Nous avons moins d’artillerie de campagne que les états voisins. Augmentons-la donc, si nous ne voulons pas qu’il nous en cuise. Deux batteries de plus à chaque corps d’armée nous mettront à même de créer