On ne l’atteindrait pas mieux en cherchant à étendre les pouvoirs du juge-commissaire. Ce n’est pas que je blâme cette disposition nouvelle du projet parlementaire : « Le juge-commissaire est autorisé à entendre le débiteur, ses commis et employés et toutes personnes, tant sur ce qui concerne la formation du bilan que sur les causes et circonstances de la faillite. » Mais cette innovation n’a pas une grande portée. Il en serait sans doute autrement, elles diverses opérations de la faillite seraient contrôlées d’une tout autre manière, si l’on osait déférer ce contrôle à un membre du tribunal civil. M. Thaller va jusqu’à demander qu’on enlève au tribunal de commerce la connaissance des faillites ! Mais, quoiqu’il apporte à l’appui de cette proposition les argumens les plus sérieux, il n’a pas la moindre chance d’être écouté par les pouvoirs publics. C’est au juge-commissaire, membre d’un tribunal consulaire, que nous avons et que nous aurons affaire. Or ce juge n’est qu’un magistrat d’occasion; il ne garde pas longtemps ses fonctions, et, quoiqu’il soit propre à décider de litiges commerciaux proprement dits, rien ne le prépare à la surveillance de ces opérations complexes dont l’ensemble constitue la liquidation d’une faillite. Ajoutons qu’il doit, le plus souvent, s’occuper de ses propres affaires et que, par conséquent, surtout dans les grandes villes, le temps lui manque. Un tel homme tiendra bien rarement tête au syndic qui concentre entre ses mains, par la force des choses, les pouvoirs effectifs, et qui connaît à fond les finesses du métier. En étendant les attributions du juge-commissaire, on n’augmentera pas son influence.
Cependant il est hors de doute que l’assemblée des créanciers et le tribunal sont trop éloignés du syndic pour le contenir. Comme il est de toute nécessité qu’un pouvoir intermédiaire soit à même de jeter le cri d’alarme et de provoquer la répression des abus, on a proposé de faire surveiller les syndics par un comité de créanciers. C’est une idée toute moderne, qui a fait son chemin en Allemagne, en Autriche, en Norvège, en Danemark, en Angleterre, en Italie. On l’a manifestement empruntée au régime des sociétés commerciales, dans lesquelles les actionnaires, trop nombreux et trop disséminés pour suivre tous les mouvemens de leur gérant, placent à ses côtés un petit groupe de délégués, intitulé conseil de surveillance. Les délégués reçoivent, dans le projet parlementaire, le nom de contrôleurs. Ceux-ci seraient spécialement chargés de « surveiller » les opérations du liquidateur ou du syndic et de vérifier les livres ; ils pourraient toujours demander compte de l’état de la faillite, des recettes effectuées, des versemens opérés ; le syndic et le liquidateur seraient tenus de les consulter sur les actions à intenter ou à suivre. Il y a peut-être dans cette partie du projet le germe d’une réforme utile, et je suis loin de m’associer