Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à toutes les critiques dont on l’accable. Je n’y vois pas, comme M. Langlais, un simple prétexte à conflits, et je ne crois pas, avec le tribunal de commerce de Paris, qu’il faille la condamner d’emblée parce que la nomination de cosyndics (appelés à jouer un autre rôle) donne, en général, de mauvais résultats. Les créanciers ne sont pas nécessairement des brouillons, et je n’aperçois pas d’inconvénient, en principe, à ce qu’ils cessent de jouer les personnages muets. Toutefois, je voudrais ne corriger la loi de 1838 qu’à bon escient, et, si j’hésite cette fois encore, c’est qu’on ne me semble pas avoir trouvé jusqu’à présent le moyen pratique d’organiser un bon comité de créanciers. Ainsi MM. Cauvet, Thaller, Serville, reprochent au projet parlementaire, non sans raison, de ne pas donner aux contrôleurs un pouvoir effectif et, par conséquent, un rôle utile. Il faut, dit M. Thaller, que le comité soit appelé à délibérer sur les opérations syndicales d’une certaine importance, et voici que, sous la plume du savant professeur, le conseil de surveillance se transforme en conseil d’administration ou plutôt devient le véritable pouvoir dirigeant, pour peu qu’on sorte des opérations courantes. Mais aussitôt, de peur que « le prestige du syndic ne fasse capituler sur toutes les questions » ce nouveau pouvoir, le réformateur ouvre la porte du comité « à des hommes compétens, familiarisés avec la branche de liquidation en cause, à raison même de leur profession ; » autrement le syndic « ne trouverait pas à qui parler. » Ma défiance s’éveille : ce n’est plus le contrôle, c’est l’antagonisme qu’on organise. Mais quoi! cet homme, « aussi fort et plus fort que le syndic, » va-t-il donc prodiguer gratuitement au comité les trésors de son expérience? Non, sans doute ; il faudra le payer et certainement le bien payer[1]. M. Vergoin reprochait naguère au syndic de « se tailler des grands fiefs dans les faillites; » si l’on entend donner à ce suzerain un cortège de grands vassaux, qu’on me ramène à la loi de 1838.

On a lancé beaucoup d’autres propositions de réforme que nous n’approuvons pas. Par exemple, le grand projet parlementaire range parmi les actes nuls les paiemens pour dettes échues, postérieurs à la manifestation de l’insolvabilité, que le code actuel déclare simplement annulables ; c’est une exagération manifeste. Il ne serait pas moins regrettable, alors que la majorité requise aujourd’hui pour le concordat est de la majorité plus un en nombre et des trois quarts en sommes, de substituer les deux tiers aux trois quarts, ainsi que la chambre des députés vient de le faire. Mais ce ne sont

  1. Il est vrai que, d’après le vote récent de la chambre (20 octobre), les fonctions des contrôleurs seraient gratuites. Mais alors, c’est de toute évidence, il ne faut plus compter sur le personnage « aussi fort que le syndic, » et celui-ci pourrait bien ne plus trouver « à qui parler. »