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là que des points secondaires sur lesquels nous ne pourrions engager une discussion sans fatiguer la plupart de nos lecteurs et sans dépasser les limites que nous nous sommes fixées.


III.

Si nous craignons qu’on ne fasse moins bien qu’en 1838, nous ne prétendons pas cependant qu’il soit impossible de mieux faire sur un point donné. Nous croyons, au contraire, qu’on peut, sans bouleverser le code actuel, en combler certaines lacunes, en corriger certains défauts.

Le projet parlementaire commet, selon nous, une grande faute : c’est de placer au seuil même de la faillite ce régime de liquidation judiciaire dont il entend faire profiter, à de certaines conditions, le débiteur malheureux. Sans mettre une seconde fois en relief les côtés défectueux du système, nous reprochons, avec M. Larombière, à la commission législative, « d’établir en mesure préliminaire ce qui ne peut et ne doit être qu’une conclusion. » En accordant tout de suite cette faveur insigne à l’insolvable qui présente une requête au tribunal, elle a dû pourtant réfléchir que tout n’était pas consommé. Elle le met provisoirement à son aise en lui laissant l’administration de ses biens, en le chargeant de recouvrer ses propres créances, en le dispensant de l’inventaire, et cependant il sera déchu de ce bénéfice dans un très grand nombre de cas, notamment s’il n’obtient pas un concordat définitif[1]. Il est beaucoup plus sage d’attendre que ce concordat ait été voté par les créanciers, homologué par la justice. C’est pourquoi nous persistons à soutenir le contre-projet auquel s’est arrêtée la cour de cassation, consultée par le gouvernement. Le tribunal, d’après ce contre-projet, par le jugement même qui homologuera le concordat, rapportera le jugement qui a déclaré la faillite, mais seulement sous les conditions suivantes : si le débiteur a été malheureux et de bonne foi; s’il ne se trouve dans aucun cas prévu de banqueroute simple ou frauduleuse ; s’il n’a été précédemment déclaré et maintenu en état de faillite ; s’il a, dès à présent, payé 25 pour 100 au moins sur le montant des créances vérifiées ou s’il fournit des garanties suffisantes pour acquitter, dans les délais fixés par le concordat, le paiement de 50 pour 100 au moins sur les mêmes créances. En un mot, tandis que le projet parlementaire commence par soustraire le débiteur aux conséquences ordinaires de son insolvabilité, sauf à le précipiter plus tard, quand les vérifications auront été faites, de la liquidation dans la faillite, nous

  1. Voir l’article 19 du projet voté par la chambre des députés.